Chorégraphies n Le hip-hop prend de la carrure et gagne en finesse La scène d'El-Mougar a vibré hier aux rythmes des pas de danseurs de hip-hop, des cadences urbaines empreintes d'une contemporanéité juvénile et nourrie d'espoir et passionnée de créativité, ainsi que d'une individualité d'une grande sensibilité. Trois spectacles ont marqué la soirée initiée par le Centre culturel français d'Alger ; trois interprétations, dont deux duos et une solo. D'abord, les Chriki'z (Amine Aliouat et Amine Boussa), une jeune formation issue des ateliers que la compagnie Accrorap a mis en place à Alger de 2002 à 2004, ont présenté une pièce intitulée Jumo, alors que Abdenour Belalit et Thô Anothaï, venus de France, ont interprété Né pour l'autre. Ces deux pièces revêtent des caractéristiques communes. Elles convergent : il s'agit d'un duo et d'une conquête de l'espace. Cet espace, au départ vide et dénué de sa matérialité, est vite investi par des présences, des entités recréant et redessinant – à l'infini – la spatialité qui, à chaque fois, change de psychologie ; c'est le moment qui détermine la sensibilité étalée en profondeur. Dans la première pièce comme dans la seconde chorégraphie, il est question de deux individus qui arrivent sur scène, l'envahissent et la font leur. Les protagonistes ne se connaissent pas d'abord, mais ils finissent ensuite par établir le contact, et cela à mesure qu'ils se mêlent à l'espace qui, lui, commence, peu à peu, à prendre des proportions importantes. Ils se rapprochent, ils se laissent approcher et s'associent alors qu'ils sont opposés, différents. Ils se mêlent dans une même spatialité pour se dire, se connaître et se comprendre. Ils dialoguent dans ce jeu de corps à corps, une dualité sur des accents de musiques variées leur permettant une conversation, un échange ; et cet entretien corporel, tantôt rapproché, tantôt éloigné aide à mieux se nommer, à s'accepter dans la différence de soi et de l'autre. Il favorise la complémentarité, voire l'enrichissement. C'est une histoire de sagesse et de paix que nous raconte chacune des chorégraphies. Vient ensuite, et en dernière partie, un tableau qui se veut plus recherché, voire étoffé et au plan de la gestuelle et de la scénographie, Zahrbat, un solo interprété par Brahim Bouchelaghem, un hommage qu'il rend à son père. La pièce raconte un père qui a quitté l'Algérie, sa terre, ses racines, son héritage pour travailler en France ; et dans l'exil, cet homme, séparé des siens, trouve refuge et une certaine sérénité dans le jeu. La passion du jeu l'emporte sur la raison. De tables en tables, cartes en main, l'exilé, Brahim Bouchelaghem nous raconte dans un jeu de corps qui donne du relief au mouvement et privilégie des gestes faits tantôt de tendresse, tantôt de pugnacité, ce père, ce joueur de poker.