Résumé de la 112e partie n Daoul'makân décide de faire route sur Constantinia. Au loin s'élève un nuage de poussière noire, signe d'un mouvement proche. Le soir venu, Schahrazade dit : On vit s'élever une poussière noire qui, s'étant dissipée, laissa apparaître la maudite vieille Mère-des-Calamités, toujours sous l'aspect d'un vénérable ascète. Alors tous s'empressèrent de lui baiser les mains tandis que, les larmes aux yeux et la voix altérée, elle leur dit : «Apprenez le malheur, ô peuple des Croyants ! Et surtout hâtez vos pas ! Vos frères musulmans, qui étaient campés sous les murs de Constantinia, ont été attaqués à l'improviste, dans leurs tentes, par les forces considérables des assiégés ; et ils sont maintenant en complète déroute. Courez donc à leur secours, sinon du chambellan et de ses guerriers vous ne retrouverez même plus la trace !» Lorsque Daoul'makân et Scharkân eurent entendu ces paroles, ils sentirent s'envoler leur cœur à force de battements et, au comble de la consternation, ils s'agenouillèrent devant le saint ascète et lui baisèrent les pieds ; et tous les guerriers se mirent à pousser des cris de douleur et des sanglots. Mais il n'en fut pas de même du grand vizir Dandân. Car il fut le seul à ne pas descendre de cheval et à ne pas baiser les mains et les pieds de l'ascète de malheur. Et, à haute voix, devant tous les chefs réunis, il s'écria : «Par Allah ! ô musulmans, mon cœur éprouve une singulière aversion pour cet ascète étrange ; et je sens qu'il est un des réprouvés, de ceux-là qui sont bannis loin de la porte de la miséricorde divine ! Croyez-moi, ô musulmans, repoussez loin de vous ce sorcier maudit ! Croyez-en le vieux compagnon du défunt roi Omar AI-Némân ! Et, sans plus tenir compte des paroles de ce réprouvé, hâtons-nous vers Constantinia !» A ces paroles, Scharkân dit au vizir Dandân : «Chasse de ton esprit ces soupçons désobligeants qui prouvent bien que tu n'as pas vu, comme moi, ce saint ascète relever dans la mêlée le courage des musulmans et affronter sans crainte les glaives et les lances. Tâche donc de ne plus médire de ce saint, car la médisance est blâmée, et l'attaque dirigée contre l'homme de bien est condamnée. Et sache bien que si Allah ne l'aimait pas, il ne lui aurait pas donné cette force et cette endurance, et ne l'aurait pas sauvé autrefois des tortures du souterrain.» Puis ayant dit ces paroles, Scharkân fit donner comme monture au saint ascète une belle mule vigoureuse harnachée somptueusement et lui dit : «Monte cette mule et cesse d'aller à pied, ô notre père, ô le plus saint d'entre les ascètes !» Mais la perfide vieille s'écria : «Comment pourrais-je prendre du repos alors que les corps des Croyants gisent sans sépulture sous les murs de Constantinia !» Et elle ne voulut point monter la mule, et se mêla aux guerriers, et se mit à marcher et à circuler parmi les piétons et les cavaliers comme le renard en quête d'une proie. Et, tout en circulant, elle ne cessait de réciter à voix haute les versets du Coran et de prier Le Clément, jusqu'à ce qu'enfin on vît accourir en désordre les débris de l'armée commandée par le grand chambellan. (à suivre...)