Résumé de la 4e partie Les témoins se relaient à la barre. Tous déclarent avoir eu des rapports intimes avec Mme Horst. «J?ai cru d?abord qu?il était au courant, disons plus ou moins consentant, et puis j?ai compris qu?il ne savait rien. Sa femme me parlait de lui avec une désinvolture ! Elle disait : «Il est gentil, mon Frantz ! C?est le rêve pour une femme comme moi. Il ne pose jamais de questions, il ne voit rien, et pourtant, bien des fois il aurait pu me prendre en flagrant délit. Mais j?ai de la chance !» «Elle appelait ça de «la chance», ça m?a choqué. J?ai décidé de ne plus la voir. J?aurais bien aimé avertir son mari, mais c?était délicat. Un collaborateur comme lui, j?avais peur de le perdre. C?est un chimiste remarquable. Et puis, au fond, je me disais : «Tant qu?il ne sait pas, il n?est pas «malheureux». En outre, je me sentais coupable aussi.» C?est maintenant que Frantz a de la peine. Il pleure à chaudes larmes de honte, il renifle, et il regarde tous ces gens, les juges, le procureur, les témoins, le jury, le public. C?est lui l?accusé ! C?est lui le sinistre imbécile, l?idiot, le mari cocu, dont tout le monde riait, que tout le monde plaignait. Et il a tué sans savoir, en plus. Il n?a même pas réussi son crime passionnel. Il y a un grand silence, après le réquisitoire du procureur. En quelques mots réservés, le magistrat demande une peine honorable : 10 ans pour le principe, car il ne croit pas, lui, à une pareille stupidité. Il ne veut pas y croire, c?est son métier. L?avocat de la défense n?a guère de mal. Les témoins ont fait le travail pour lui. Qu?ajouter de plus ? L?attitude même de l?accusé parle pour lui. Alors que reste-t-il ? Un crime accidentel, en quelque sorte. Un moment de colère stupide, un jeu idiot. Il n?a tiré qu?une balle, encore a-t-il eu de la chance, si l?on peut dire, car selon le médecin légiste, la victime s?est littéralement jetée sur lui, autrement il ne l?aurait même pas atteinte, il ne sait pas tirer. Savait-il seulement que le revolver était chargé ? Non, même pas, il a été incapable de le préciser. L?avocat réclame donc la clémence, puisque tout le monde est d?accord. Y compris le juge d?instruction, une femme pourtant réputée pour sa dureté. L?intime conviction de cette femme est que ce coupable l?est à peine. Messieurs les jurés apprécieront. La cour se lève pour délibérer, et Frantz, tout à coup, comprend ce qui lui arrivé. Il se dresse et hurle : «Non ! Vous n?allez pas m?acquitter, tout de même ! Je l?ai tuée ! Je l?ai tuée ! Je ne suis qu?un pauvre idiot, c?est vrai ! Elle le disait elle-même, mais ça ne méritait pas la mort !» Possible, en effet. Personne ne mérite la mort dans ces conditions, et une victime est une victime. Une heure plus tard, Frantz R? est acquitté par le jury. Ses dix mois de prison préventive suffiront. Alors, une dernière fois, l?innocent se dresse dans son box mais il ne crie plus. «Vous n?avez pas le droit? pas le droit ! Qu?est-ce que je vais devenir ?» C?est vrai. Que devient-on sans sanction, sans punition, quand on tue et qu?on se le reproche ? Que devient-on si personne ne vous condamne ? Si on vous approuve d?avoir été bête, cocu, et criminel ? Que devient-on tout seul, face-à-face avec soi-même ? Personne ne le sait. Les innocents n?ont pas d?histoire.