Présence n Les chefs d'Al-Qaîda semblent avoir conservé davantage de capacité d'action et de direction du réseau qu'on ne le pensait, estiment des experts. Après la perte de leur sanctuaire afghan, avec l'offensive américaine de l'automne 2001, Oussama ben Laden, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri et leurs principaux adjoints sont devenus les hommes les plus recherchés du monde. Dans les milieux du renseignement occidental, l'idée s'est imposée, au fil des mois, que les nécessités de la clandestinité et les impératifs de leur cavale leur avaient imposé de couper au maximum les liens avec leurs affidés, devenant, peu à peu, des sortes d'autorités morales influençant leurs fidèles plus que les dirigeants. Le chercheur français Dominique Thomas, spécialiste des réseaux islamistes et auteur des «Hommes d'Al-Qaîda», estime qu'Al-Qaîda «n'existe plus dans sa configuration ante-11 septembre, c'est-à-dire avec une hiérarchie, un comité militaire, un conseil consultatif comme au temps de l'Afghanistan». Mais l'organisation a pris «une autre forme de configuration, avec une forte présence sur Internet, les indéboulonnables comme Ben Laden et Al-Zawahiri et quelques responsables qui gravitent autour. Un petit clan, pour la plupart aguerris en Afghanistan, qui a réussi à reconstituer un noyau actif d'Al-Qaîda. Ils font revivre la machine.» Des éléments concrets confirment cette analyse : au cours du seul mois écoulé, Ben Laden et Al-Zawahiri se sont exprimés à six reprises, via des enregistrements audio ou vidéo, diffusés sur les chaînes satellitaires arabes ou mis en ligne directement sur Internet. Si leurs diatribes reprennent les traditionnelles récriminations envers «l'Occident croisé», elles évoquent aussi des lieux précis, comme la Somalie ou l'Afghanistan, pouvant constituer autant de messages et de consignes passées aux forces islamistes radicales sur ces terrains. Jeudi, quelques heures avant les célébrations du premier anniversaire des attentats de Londres, la télévision Al-Jazira a diffusé une vidéo posthume de l'un des terroristes, Shahzad Tanweer, 22 ans. Cet enregistrement, dans lequel il assure que ces attaques ne sont «qu'un début», a été réalisé au Pakistan en 2003 ou en 2004, lors de séjours qu'il y avait effectués avec un autre des quatre kamikazes, Mohamed Sidique Khan. Le 11 mai, un rapport du Parlement britannique avait jugé «probable» qu'ils aient eu, à cette occasion, «un contact avec des membres d'Al-Qaîda». Pour l'Américain Michael Scheuer, ancien chef de l'unité «Ben Laden» au sein du centre antiterroriste de la CIA, cela prouve que «la croyance, répandue aux Etats-Unis et en Occident, selon laquelle Ben Laden et Al-Zawahiri sont isolés et ne tiennent plus les rênes d'Al-Qaîda (...) devrait être réexaminée et débattue...»