Comme s'il vivait pour des qacidate qu'on perpétue pour être adulé par des mélomanes «habités par le chaâbi», El- Hachemi aimait bercer les mots des chouyoukh. Des vers drapés par une voix suave, celle d'un homme qui sait se souvenir tendrement de ses vingt ans, même sur un lit d'hôpital, même amputé d'une jambe sur laquelle il a longtemps poser son mandole avant de changer de tempo, au gré d'une vie tumultueuse au bonheur des puristes. Malade, il avait suffisamment de courage pour remonter les chemins escarpés d'une vie dédiée aux autres. L'exil était d'abord un exil de l'intérieur. Comme ses maîtres spirituels : Benmsayeb, Bensahla, Kaddour el Allami, Sidi Lakhdar Benkhlouf et Mahboub Bati. Une vie offerte au chaâbi. Rien qu'au chaâbi. Cet art qui consiste à chanter frénétiquement jusqu'à l'aube même si l'on est au crépuscule de sa vie. Loin, très loin des nostalgiques amourettes de vingt ans. La verve sublime, Guerrouabi la détenait de ses pérégrinations dans le temps avec les escapades affolantes d'El-Harraz ou alors des belles promenades de Youm el Djamaâ devant les murs de Marrakech, pour décrire majestueusement la beauté des femmes aux yeux soulignés de khôl. Il la détenait aussi de son éloignement du pays et de son amour éperdu pour un applaudimètre qui avait du mal à apprivoiser ses «sosies» même au talent avéré. Il tenait son courage en bandoulière pour revenir sur scène, en enfilant toujours le beau costume de maître. Celui tissé par le fil de la modestie et de l'humilité. Avec des mots simples dont il avait la magie, Il a continué à vivre dans les tréfonds des qacidate qui l'empêchaient de mourir.