Résumé de la 145e partie n Après lui avoir expliqué la symbolique des objets qu'il a trouvés sur lui, Aziza propose à Aziz de le nourrir pour lui éviter une nouvelle tentation. En effet, Aziza m'obligea à me coucher et se mit à me masser doucement ; et, sous l'influence de ce massage délicieux, je ne tardai pas à m'endormir ; et, à mon réveil, vers le soir, je la trouvai encore assise à côté de moi et qui me faisait de l'air avec un éventail. Et je vis qu'elle avait dû pleurer tout le temps, car ses habits portaient les traces de ses larmes. Alors Aziza se hâta de m'apporter de quoi manger et elle me mettait elle-même les morceaux à la bouche, et je n'avais que la peine d'avaler et cela jusqu'à ce que je me fusse repu complètement. Puis elle me donna à boire un bol d'une décoction de jujubes dans de l'eau de rose au sucre, ce qui me rafraîchit parfaitement. Puis elle me lava les mains et me les essuya avec une serviette parfumée au musc et m'aspergea avec de l'eau de senteur. Après quoi elle m'apporta une robe considérablement merveilleuse et m'en vêtit ; et elle me dit : «Si Allah veut, cette nuit sera sûrement pour toi la nuit de tes souhaits !» Puis, en me conduisant jusqu'à la porte, elle ajouta : «Mais surtout n'oublie pas ma recommandation !» Je dis : «Laquelle ?» Elle dit : «O Aziz ! la strophe que je t'ai apprise !» J'arrivai donc au jardin, et, comme les précédentes nuits, entrai dans la salle à la voûte cintrée et m'assis sur les riches tapis. Et comme vraiment j'étais bien repu, je regardai les plateaux avec indifférence et me mis à veiller de la sorte jusque vers le milieu de la nuit. Et je ne voyais personne ; je n'entendais pas un bruit. Alors je commençai à trouver la nuit aussi longue qu'une année ; mais je patientai et attendis encore. Cependant les trois quarts de la nuit s'étaient écoulés, et déjà les coqs se mettaient à chanter la première aube. De sorte que la faim commença à se faire sentir ; et peu à peu elle devint si forte que mon âme désira le goût des plateaux ; et je ne pus guère résister à mon âme ; bientôt je fus debout, j'enlevai alors les grands foulards et je mangeai jusqu'à satiété, et je bus un verre et puis deux verres et jusqu'à dix verres. Alors ma tête s'alourdit, mais je luttai avec énergie et me raidis et agitai ma tête dans tous les sens. Mais, au moment-même où j'allais me laisser aller sans plus, j'entendis quelque chose comme un bruit de rires et de soieries. Et j'avais à peine eu le temps de sauter vivement sur mes pieds et de me laver les mains et la bouche quand je vis le grand rideau du fond se relever. Et, souriante et entourée de dix jeunes femmes esclaves, belles comme les étoiles, elle entra. Et c'était la lune elle-même. Elle était vêtue d'une robe de satin vert toute brodée d'or rouge. Et, pour t'en donner une idée seulement, ô mon jeune seigneur, je te dirai les vers du poète : «La voici ! Le regard hautain, la fille magnifique ! A travers la robe verte sans boutons et la chevelure dénouée. «Et moi, ébloui, si je lui demande son nom, elle me répond : ”Je suis celle qui brûle les cœurs des amants sur un feu immortel !” «Et si je parle des tortures d'amour, elle me dit : ”Je suis la roche sourde et l'azur sans écho ! O naïf ! se plaint-on de la surdité de la roche ou de l'azur ?”» Mais je lui dis alors : «O femme ! si ton cœur est la roche, sache que mes doigts, comme autrefois Moïse, de la roche feront jaillir la limpidité d'une source !» A suivre