Le pain est perçu dans notre société comme une chose sacrée, une relique comestible en quelque sorte. Un quignon de pain jeté dans la rue est de suite ramassé par le premier passant, même par un enfant, qui le porte respectueusement à son front puis à ses lèvres avant de le déposer sur le rebord d?une fenêtre ou sur le haut d?un mur, pour lui éviter d?être piétiné. Quoique ! Il y a quelques années, celles du socialisme de la mamelle, le pain était jeté par bennes entières dans les décharges publiques. En ce temps-là, il n?était pas possible pour les boulangers de faire du bon pain. Du haut de sa suffisance et de sa bêtise, l?Etat refusait de les laisser importer les équipements adéquats, voire de simples améliorants. Le pain était donc inconsommable. Au point que, de retour de l?étranger, certains ramenaient dans leurs bagages quelques petits pains de «là-bas» pour les faire déguster par les parents et les amis. Notre pain à nous, dont le prix était soutenu par l?Etat, coûtait 35 centimes. Tant qu?il était de très mauvaise qualité, les gens en achetaient des quantités faramineuses qu?ils jetaient dès le lendemain à la poubelle, mais dans des sacs à part. Le pain devint ainsi l?aliment du bétail le plus prisé par nos vaches et nos moutons qui s?en remplissaient la panse. Aujourd?hui, le pain est beaucoup plus cher, mais beaucoup plus élaboré. Quoique que les conditions dans lesquelles il est fait et vendu laissent à désirer, comme tout le pain qui se vend un peu partout, même étalé à même le sol et tâté par des mains malpropres.