Le ramassage du pain sec est devenu une activité permanente, voire une profession, pour certaines familles de Aïn El Beïda en quête de ressource pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Devenu au fil des années un véritable gagne-pain pour de nombreuses familles de situation sociale précaire, le pain sec ramassé est cédé aux éleveurs locaux qui le mélangent aux aliments du bétail. Avec un chômage croissant, frappant de plein fouet la masse juvénile, une croissance démographique remarquable, un exode rural massif engendrant la naissance de bidonvilles où le mal de vivre est maître des lieux, Aïn Beïda s'est transformée en un véritable bazar où tout se vend et s'achète. Ainsi, l'activité du ramassage et de la vente du pain sec, qui mobilise aussi les personnes âgées, tient une bonne place dans cette cacophonie. Enfants et adultes n'hésitent pas à taper aux portes des logements HLM et des constructions individuelles pour se procurer du pain rassis. Phénomène nouveau dans la société mais prenant de l'ampleur avec la conjoncture, cette activité dénote de la précarité sociale accrue de larges pans de la population. Septuagénaire, une canne à la main, un sac dans l'autre, aâmi Saïd, accompagné de son fils Khaled, âgé d'à peine dix ans, est à la recherche quotidienne du pain rassis. “Avec plus d'une dizaine de membres dans la famille, dont la majorité des enfants ont quitté très tôt l'école, et mon âge avancé, je n'ai d'autre choix. Je suis contraint de pratiquer cette besogne humiliante pour assurer le lait et le pain quotidiens sans quémander”, explique le vieillard d'une voix affaiblie par le poids des ans. Douze ans passé, habitant la périphérie de la ville, Zinou, orphelin de père à l'âge de 8 ans, est contraint de s'adonner à cette activité qui lui procure un revenu quotidien moyen de 400 DA afin d'aider sa mère à élever ses petits frères et ne pas tendre la main ou voler, selon ses dires. “Le phénomène du ramassage du pain rassis est un comportement individuel, preuve de l'incapacité de l'individu à faire face à une situation sociale difficile à laquelle il devrait s'adapter”, explique un universitaire. “La responsabilité première incombe aux parents puis à la société”, ajoute notre interlocuteur. Au moment où de nombreux citoyens décrient le phénomène du ramassage du pain en le considérant comme un comportement humiliant pour l'individu et la société, les revendeurs et les familles démunies, en l'absence de palliatifs concrets, considèrent l'activité comme un gagne-pain leur permettant d'atténuer leurs souffrances. K. Messaad