Traditions n La célébration des mariages dans les Aurès a perdu aujourd'hui beaucoup de son rituel très singulier d'antan. «Ces solennités ont disparu avec la touiza, qui est essentiellement une forme de solidarité collective très active qui veut que tous les membres de la communauté soient au service d'un des leurs lors des moments les plus cruciaux de sa vie dont évidemment le mariage», explique un vieux sage de la tribu des Ouled Fatma, dans la région de Merouana. «De notre temps, ajoute-t-il, le marié ne supportait pas seul les frais de la fête. Ses proches, ses voisins et tous les gens du douar y participaient presque obligatoirement. Les rahaba (troupe folklorique) et les cavaliers chantaient et s'exhibaient gracieusement durant les sept jours et sept nuits que durait la fête.» Agée de plus de quatre-vingts ans, Hadja Khoukha regrette, de son côté, le temps passé où la fête avait lieu sur les vastes places des villages où même les étrangers de passage étaient admis avec courtoisie. Pour elle, les fêtes de ces temps-ci ont renoncé à beaucoup de traditions, dont celle qui veut que la mariée ne pénètre le foyer conjugal qu'après avoir oint le seuil avec du dehane (beurre ranci après une longue conservation). Dans plusieurs régions auressiennes, certaines taquineries étaient même tolérées comme celle qui consistait à retirer une chaussure du pied de la mariée et exiger de la famille de son futur époux une somme modique. Pour certains, les cousines de la mariée devaient revenir de la maison de l'époux avec un souvenir «dérobé» qui était exhibé plus tard tel un trophée. Il était également largement répandu dans la région que la jeune fille célibataire qui s'assiéra la première à la place de la mariée sera la prochaine à convoler en justes noces. Les circoncisions ne sont plus, elles aussi, comme avant. Le cortège conduit par la grand-mère du circoncis a disparu. La cuvette du «circonciseur» a été abandonnée, de même que la pratique qui obligeait la maman à plonger ses pieds dans un récipient rempli d'eau fraîche et à taper dans un mortier de cuivre vide pendant que le «circonciseur» accomplissait sa mission. Ce bruit, accompagné d'assourdissants youyous, devait lui éviter d'entendre les cris de son enfant. Toutes ces pratiques ne sont plus que de vagues souvenirs évoqués avec nostalgie, de temps à autre, par les plus vieux. Dans les faits, les salles de fêtes, chèrement louées par le marié le temps d'une soirée, sont devenues la règle. Les disc-jockeys ont supplanté les troupes folkloriques et les b'bardia (tireurs de baroud) sont devenus des compagnies professionnelles dont les services sont chèrement payés.