Résumé de la 4e partie n Le sergent Van Norman poursuit les trois hommes qui ont quitté le village, qu'il soupçonne d'avoir tué son ami Kolitalikk. La distance, qui sépare les deux convois, se réduit de minute en minute, car les fuyards se sont engagés sur un mauvais terrain et décident de faire virer les traîneaux. Ils frappent, démêlent les traits, accrochent de leurs fouets les chiens de tête, les forcent à tirer de côté. Peu habitués à ce traitement brutal, les chiens renâclent, puis bondissent pour un demi-tour trop rapide. L'un des traîneaux est déséquilibré, il va basculer. L'un des hommes le retient d'une voltige acrobatique, qui n'empêche pas le léger chargement de choir dans la neige. Ils sont presque rejoints par les policiers ; le nez du chien de tête du sergent vient frôler le pantalon en peau d'un homme qui court désespérément derrière son traîneau, après l'avoir remis d'aplomb sur ses patins. Il bondit enfin dessus et le fardeau fait courber l'échine des chiens. C'est un vacarme de hurlements, de coups de fouets, d'appels dans le grand silence de la banquise. La course folle se poursuit, le terrain est à présent meilleur, mais les chiens des fuyards sont tout à coup indomptables. Le poil hérissé, le museau écumant de fatigue, le sang à la bouche, ils hurlent comme des loups et n'avancent plus que sous la menace. Malmener son attelage est une faute grave. L'homme et son traîneau ne peuvent compter que sur les chiens. Or, ces chiens ont un caractère particulier, ils s'entre-tuent parfois pour un os, ils se haïssent, et si on les assemble à la hâte, sans tenir compte du chef habituel, de ses femelles, si on frappe trop, si on punit au lieu d'encourager, c'est le désastre. A quelques centaines de mètres, devant la police montée, les fuyards l'ont compris. Et le sergent les voit s'arrêter, se concerter un instant et s'asseoir. Ils attendent. Le sergent est tout près, ils auraient été rejoints de toute façon. La fuite est devenue non seulement impossible, mais inutile. Le sergent Van Norman vérifie l'armement de son fusil avant de stopper son traîneau à quelques mètres des trois hommes. Il les connaît, il sait leur honnêteté et leur droiture. Jusqu'ici il leur faisait une confiance totale, mais ce sont probablement des assassins. Tout change. Le crime est rare chez les Esquimaux. Il n'existait quasiment pas avant l'intégration obligatoire, le mélange des races, le démantèlement des tribus et des familles. En 1964, le crime est encore exceptionnel et le sergent trouve la mort de son ami Kolitalikk assez inexplicable. Amah, le fils du vieillard assassiné, est assis sur le premier traîneau. Les deux autres en arrière, sur le second, discutent encore. Amah a agi en chef, c'est lui qui a décidé d'abandonner la course. La sagesse lui est donc revenue. Il a posé son arme bien en évidence à ses pieds, dans une attitude pacifique. Et les autres sont bien obligés de l'imiter. Le sergent approche, mètre par mètre, s'arrête au niveau d'Amah. Ses deux compagnons restent en arrière. «Amah, tu t'es enfui à mon approche. Est-ce que je dois t'accuser du meurtre de ton père Kolitalikk ?» (à suivre...)