Résumé de la 5e partie n Le sergent Van Norman rattrape les trois fuyards. Il exige des explications sur la mort du chef Kolitalikk. Amah relève la tête, non comme un coupable, le regard en dessous, mais comme un homme fier, qui regarde son adversaire en face. «Je n'ai rien fait de mal. Tu es blanc. Et les Blancs, je le sais, ont des idées différentes sur les choses que nous décidons de faire ou de ne pas faire. J'ai espéré que tu ne poursuivrais pas le fils de ton ami. Mais tu l'as fait, alors je vais te dire la vérité. — Sois prévenu, Amah. Tu vas me dire une vérité que je devine. Mais comme tu l'as dit, je suis blanc, Canadien et policier. Je dois faire respecter la loi. — C'est une loi qui n'est pas pour nous. Mais je l'accepte. — Ce n'est pas moi qui te jugerai, Amah. Mais tu dois me suivre.» Lentement, les traîneaux se remettent en route vers le village. Deux heures de cheminement dans la nuit vers les igloos du village, où le chef Kolitalikk est mort assassiné, certes, mais d'une bien étrange façon. On dirait, de nos jours, qu'il s'agit là du choc de deux cultures. Que les traditions d'un peuple sont respectables, mais qu'il est du devoir de la civilisation de condamner celles qui apparaissent comme inhumaines, basées sur la superstition et l'ignorance. Comme des Occidentaux ne peuvent admettre la tradition de l'excision des petites filles dans certaines tribus africaines, ils ne peuvent admettre l'ancienne croyance qui a fait mourir le vieux chef Kolitalikk. C'est au village, à la lueur des lampes à huile de phoque, dans l'igloo du nouveau chef, que le sergent Van Norman écoute le récit des trois hommes. Amah parle pour les autres. Il revendique cette parole, en tant que fils. «Il y a trois jours de cela, Kolitalikk était au plus mal. Il a fait venir les hommes dans son igloo et a parlé ainsi : ”Prions Dieu. J'ai été très malade, et je suis très vieux. Parce que certains deviennent très vieux, leur esprit devient très fort. Vous obéirez à mon esprit. Si vous ne le faites pas, je serai très malheureux. Si vous m'obéissez, je serai très heureux et, du ciel, je pourrai vous aider. J'ai bu l'infusion de wissekapuka, qui ne m'a pas guéri. J'ai bu le bouillon de shaggamitir, fait des meilleurs poissons, il ne m'a pas guéri... J'ai la maladie qui se déplace de l'estomac à la tête, elle fait mourir les Inuites. Elle est sous mon épaule, aujourd'hui, demain elle sera dans mon cou, et demain encore dans ma tête. Mes souffrances sont grandes et ne me quittent pas. Je suis fatigué de souffrir. Je vais mourir. Autrefois, ils étaient rares ceux qui avaient peur de mourir. Et je n'ai pas peur. Mais je veux cesser de souffrir. Vous obéirez à mon esprit. Il est fort, et mon corps, lui, ne vaut plus rien. Quand je serai mort il ne sera plus ma demeure, je ne m'en servirai plus. Vous m'enterrerez auprès de la grosse pierre. Je vais prendre mon petit fusil avec moi et je resterai seul. Je m'en servirai demain.”» Amah dit qu'alors le père s'est tu car il souffrait beaucoup. Et les hommes ont pleuré, ils étaient tristes. Mais tous savaient que Kolitalikk allait se servir de son fusil pour mourir. «Mon père disait toujours que ceux qui ont des enfants ont de la chance, car ceux qui n'en ont pas doivent demander le service de la mort à leurs amis et ils peuvent refuser car ils n'y sont pas obligés. Mon père disait aussi que l'esprit fort, s'il le peut, doit se donner la mort lui-même, car nous avons maintenant des fusils.» (à suivre...)