Résumé de la 6e partie n Le sergent Van Norman ramène les trois fuyards à Iglukjuak ; il exige d'eux la vérité sur la mort du chef Kolitalikk. Le sergent se doutait qu'il aurait un jour à arbitrer ce genre de drame. Chez les Esquimaux, la tradition ancienne voulait que lorsqu'un homme — ou une femme — était devenu trop vieux et qu'il ne supportait plus de vivre, il ordonnait à ses enfants de l'étrangler. On plaçait alors le vieillard dans une fosse qui lui servirait de tombeau, il y demeurait un moment à parIer à ses enfants, à fumer une pipe ou à boire avec eux. Puis, deux d'entre eux l'étranglaient avec une lanière de cuir en l'enroulant autour de son cou et en tirant chacun de leur côté. C'était ainsi que mouraient les vieillards. Ensuite, on le recouvrait de terre, en saison d'été, et l'on plaçait sur sa tombe un monticule de pierre appelé «cairn». Amah n'a pas eu à préparer la tombe ce jour-là car il fallait attendre la saison d'été et garder le père dans son igloo jusque-là. Cela voulait dire aussi que la police montée découvrirait sa mort. Mais avec un peu de chance, une fois l'igloo refermé, personne ne saurait que la tradition avait été respectée. Ce que ne comprend pas le sergent, c'est pourquoi le chef a été littéralement troué de balles. Il est impossible qu'il ait fait cela lui-même. Amah raconte alors l'horreur. Ils sont aIlés chercher le fusil et l'ont placé longtemps au-dessus de lampe à huile pour qu'il dégèle. Puis Kolitalikk a dit : «Je veux rester seul.» Les hommes sont allés dans l'igloo voisin et ont attendu. Avec tristesse et sans crainte. Car Kolitalikk allait rejoindre directement le ciel, d'où il aiderait ceux restés sur la terre. Le suicide n'est pas une chose effrayante pour eux. C'est une tradition morale. Quiconque devient une charge et ne peut plus exister de lui-même, que ce soit par l'âge ou la maladie, a l'obligation morale de se suicider. Et les hommes du village d'Iglukjuak ont attendu, ce soir du 29 décembre 1964, le suicide de leur chef vénéré. Ils ont attendu longtemps. Si longtemps que Amah, le fils, et ses amis, Avinga et Nangalik, sont aIlés voir. Le vieillard avait essayé de charger l'arme sans y parvenir, car il était trop faible. Il leur a donc demandé d'armer le fusil pour lui. Un homme a mis une balle dans le canon, a fermé la culasse et a rendu l'arme à Kolitalikk. Puis ils sont ressortis. Ils se devaient de l'aider. Même si la tradition évolue et qu'ils ne sont plus obligés d'étrangler, ils se doivent d'armer le fusil. Un coup de feu a retenti et deux hommes sont rentrés dans l'igloo. Kolitalikk vivait encore. Il avait tiré sous le menton. Ce n'était pas suffisant. (à suivre...)