Poids n «Une vérité qui ne peut être reçue n'est pas à dire ; elle perd ses droits quand elle s'identifie à l'insupportable fatalité.» Le docteur Hamid Oukali, maître assistant en psychiatrie (service de psychiatre médicolégale, à Blida), pose cette question, importante à ses yeux : «Comment dire la vérité au malade quand on sait que pour beaucoup de personnes, un banal bilan biologique est très mal accepté, bien souvent par des personnes intellectuelles et encore plus par le personnel médical, qui tiennent ce raisonnement : mieux vaut ne pas connaître ce qu'on a.» Le psychiatre nous explique qu'il existe deux attitudes à adopter avec le malade. La première, «moderne», répandue de par le monde, où la mort ne pose plus de problème. Là, on peut dire la vérité sèche. Cette attitude est adoptée par les pays européens et les Etats-Unis d'Amérique. Elle engendre des dégâts considérables et incommensurables puisque «à connaître la vérité de leur maladie, les patients optent, généralement, pour des choix suicidaires comme l'euthanasie !», nous explique le Dr Oukali. Lui est partisan de l'attitude ancienne, plus ancrée dans nos traditions médicales et qui consiste à ne pas donner le diagnostic. «Pas de vérité quand il s'agit d'un cas grave», dit-il. Pour lui, cette attitude engendre moins de dégâts, donc moins de problèmes. «Tant que le malade ignore la gravité de sa maladie, moralement il a un grand espoir de guérir. Cela prolongera ses jours», affirme le Dr Oukali. Il ajoute que les psychiatres savent bien qu'agir sur le moral peut prolonger la durée de vie. Le Dr Oukali se pose d'ailleurs une question : pourquoi dire la vérité à un malade en sachant que les conséquences sur son état de santé physique et psychique seront dramatiques ? «Tout d'abord, on constate chez le malade l'aggravation de son état de santé, une dépression sévère, l'abattement extrême et il est envahi par des idées suicidaires.» C'est pourquoi, explique-t-il, il ne faut pas dire la vérité totale, crue et nue. «Peut-on annoncer une maladie grave, un cancer, à une personne dont la conscience est totalement assiégée par une pensée et une seule :‘ ma vie est écourtée, je n'ai que quelques jours à vivre ?'» s'interroge encore le Dr Oukali. Il ajoute qu'il est très difficile d'envisager la fin de sa vie terrestre car «au-delà de l'information, on se retrouve à une intersection : un humanisme médical face à un humanisme juridique, sachant que ce dernier construit sa théorie sur la responsabilité». L'humanisme juridique est cette peur d'être poursuivi en justice par le malade auquel on cache la vérité. Cela se passe surtout aux USA. Une histoire qui fait mal Qui ne se souvient pas du film de Françoise Gaillant où Annie Girardot jouait le rôle d'un chef de service de gynécologie ? Atteinte d'une tumeur au poumon, elle présente son propre téléthorax à un collègue, chirurgien thoracique. Ce dernier, ne sachant pas à qui appartenait la radio, déclara à Annie : «Pauvre patient, il est bien amoché !» «Le patient amoché, c'est moi», dit Annie Girardot.