InfoSoir : La situation actuelle est-elle favorable, selon vous, à la participation des citoyens à la pratique politique ? l Mohamed Hachemaoui : A priori, je ne sais pas s'il y a une situation plus favorable qu'une autre. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la situation est d'une telle importance qu'elle conditionne le devenir même du pays qui est en jeu. Il y a potentiellement un climat propice à une activité politique, à un débat contradictoire sur les programmes économiques, les ressources naturelles, la souveraineté, les hydrocarbures, le rôle de l'école, l'amnistie, la place de l'islam politique dans la société, l'impunité. Mais ce sont des questions sur lesquelles il n'y a pas de débat. Que font les partis, selon vous ? l Les partis politiques ne captent pas l'intérêt des citoyens, sauf dans les enjeux électoraux. D'ailleurs ces partis ne sont, en réalité, que des machines électorales. Hormis ces moments-là, il n'y a rien. Cela reflète la faiblesse de l'institution politique en Algérie. On ne peut pas employer le terme de «classe politique», on ne peut pas parler dans ce cas de «société civile». Ces concepts ont une histoire, un contenu normatif. Un parti politique c'est un programme, un encadrement, une socialisation du politique. Or, l'origine de la création des partis politique est superficielle. Il y avait 60 partis, mais concrètement, sur le terrain, rien. Par la suite, le système a tout verrouillé, la répression et l'état d'urgence ont eu des retombées négatives sur les partis politiques, surtout ceux qui avaient une réelle représentativité populaire. Mais il y avait un déficit d'encadrement au niveau des partis, d'investissement de la société, de manque d'imagination et d'alternative. Un parti est une force politique. Par ailleurs, le climat de clientélisme et d'affairisme ne favorise pas l'émergence de pratiques proprement politiques. Quelles sont les conditions qui favorisent la participation des citoyens à la vie politique ? l Est-ce qu'on veut qu'il y ait des citoyens ? Je ne suis pas sûr. Parce que citoyenneté signifie l'ensemble des droits politiques constitutionnels : la liberté de presse et de conscience et les devoirs à l'égard de la communauté. La citoyenneté est le pire ennemi de l'autoritarisme. Parce que cela se traduit par la participation des citoyens à la gestion de la vie publique. Le droit d'être informé sur les questions qui engagent leur devenir, sur les grands contrats, les orientations politiques. Manifestement, on n'en veut pas. Comment définissez-vous le rapport entre gouvernants et gouvernés ? l Il y a de l'opacité, il n' y a pas de débat, la gestion se fait dans l'opacité, le clientélisme et la corruption. Cela a eu comme conséquence directe d'instaurer un climat tendu entre gouvernant et gouverné. Il y a un déficit d'éthique en toute impunité. Il y a absence de transparence dans les affaires publiques. Aucun président, aucun chef de gouvernement n'a jugé utile de rendre compte au citoyen, une pratique qui est consacrée ailleurs, où le contrôle de l'action gouvernementale par le Parlement n'est pas un vain mot. Ceci est une configuration politique démocratique qui n'a pas cours chez nous. Car le contrôle favorise la bonne gouvernance et suppose la séparation des pouvoirs politique, judiciaire et législatif. (*) Politologue