Us et coutumes n Pendant la journée, les encombrements, la faim et les nerfs tendus ont raison de la patience et de la vivacité des jeûneurs ; la nuit, c'est l'occasion de se détendre. Une virée nocturne, après le f'tour, permet de se rendre compte qu'Alger ne vit pas la même ambiance que le jour, tout est différent. Petits et grands investissent les rues de la capitale pour la sahra. Il n'est que 19h 20, soit une heure après la rupture du jeûne, et les premières personnes font leur apparition dans les quartiers et ruelles de Bab El-Oued. Petit à petit, le nombre de personnes augmente. Vers 20h 30, les cafés, les pâtisseries et même, plus surprenant encore, les fast-foods ouvrent. Les cafétérias, ouvertes bien avant, ne désemplissent pas. «Un bon café autour d'une table histoire de se préparer pour une soirée qui risque d'être longue», lance un vieil homme. Les gandouras et autre qamis font leurs apparition : l'appel à la prière vient d'être lancé. Un peu partout dans les quartiers, dans des locaux qu'on appelle mahchachate, des groupes jouent aux dominos ou au cartes. Un jeune exprime sa joie : «Ici on se lâche, on passe du bon temps.» Avenue Hassiba-Ben-Bouali. Les trottoirs sont noirs de monde. Les magasins de vêtements son littéralement envahis par des familles accompagnées de leurs enfants. Les achats de l'Aïd ont commencé. Sur les hauteurs de Bab El-Oued, le quartier de Notre-Dame d'Afrique surplombe le Grand-Alger ; l'esplanade de la basilique attire des familles et des jeunes couples qui viennent contempler la merveilleuse baie avec ses milliers de lumières scintillantes se reflétant sur la mer. Une femme, accompagnée de son mari et ses deux enfants, affirme revenir à cet endroit chaque ramadan. «C'est un bonheur que de contempler ce paysage», atteste-t-elle. L'ambiance y est très conviviale, des gamins font du vélo et les plus grands papotent, assis sur les bancs de l'esplanade. Un homme, la quarantaine, nostalgique d'une époque où le ramadan se passait différemment, raconte : «Avant, chaque jour du ramadan était une fête, on passait des soirées en famille autour d'une meïda ornée de toutes sortes de gâteaux traditionnels accompagnant un savoureux thé à la menthe.» Près de lui, une vielle femme regrette, elle aussi, «le bon temps» où les familles sortaient, après le f'tour, pour se rendre visite. Pour expliquer ce changement de coutumes, Malek, 56 ans, avance des causes socio-économiques : «Les dépenses pendant le ramadan ont tellement augmenté que les gens n'osent plus rendre visite à leurs proches évitant ainsi des dépenses qui risquent de grever davantage le portefeuille du ménage.» Les Algérois perdent-ils un savoir-vivre ancestral, ou n'ont-ils, tout simplement, pas la tête à cela ?