Il est absolument inexact que la conception des générations musulmanes ait varié au sujet de l'identité de celui des fils d'Abraham offert en holocauste par soumission à Dieu, et il est étonnant de constater qu'un homme d'église comme l'abbé Y. Moubarac se soit mépris à ce point sur les sources islamiques. Il n'y a eu, à vrai dire, aucune évolution dans les idées des musulmans sur ce problème, mais deux courants parallèles chez les tout premiers compagnons du Prophète. Dès le début de l'islam, deux traditions concomitantes relatives au z'abîh se sont manifestées et opposées. L'une militant en faveur d'Isaâc, rapportée par Ikrima et Abdel Lahb. Messaoud compte parmi ses partisans des compagnons de renom comme Omar ibn El-Khattab et Ali. Elle s'appuie sur la Sourate XXXVII, 101, qui fait état de l'annonce faite à Saray de la naissance d'un fils, annonce qui militerait en faveur de l'immolation d'Isaâc. La seconde, rapportée par l'une des plus grandes autorités traditionnistes de l'islam, Ibn Abbas, soutient que le z'abih était Ismaël. Examinant la même référence coranique, Ibn Abbas et ceux qui tiennent pour infondée l'opinion selon laquelle il s'agirait d'Isaâc font observer que le verset invoqué et les suivants ne prouvent rien et peuvent militer en faveur d'Isaâc comme en faveur d'Ismaël. Ils font également remarquer que le Prophète disait, non sans fierté, qu'il «descendait» de deux personnes choisies pour l'immolation, faisant ainsi allusion à son père Abdallah qui faillit être sacrifié, et à son ancêtre Ismaël qui, bien avant le premier, avait failli subir le même sort. L'ordre d'immolation donné à Abraham date d'avant la naissance d'Isaâc et alors qu'Ismaël était déjà un garçon. Il ne pouvait concerner que ce dernier. Il est clair que dans la sourate XXVII, le premier-né (Ismaël) d'Abraham et le récit de l'immolation (v. 101-106) sont placés avant la naissance d'Isaâc (v. 112). De plus, à l'époque du calife omeyyade Omar ibn Abdelaziz, les docteurs juifs convertis à l'islam convenaient que le zabîh était Ismaël, non Isaâc. La version biblique, dans son état actuel, relate ainsi l'événement : «Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit : «Abraham» et il répondît : «Me voici !» Dieu dit : «Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaâc ; va-t-en au pays de Marijja et offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je t'indiquerai». Or, il n'est pas dit dans la Bible «tu prendras» mais «prends» et le texte précise «ton fils unique». Il s'agit bien d'Ismaël puisqu'il l'était, et ce, jusqu'à la naissance d'Isaâc, quatorze ans après la sienne. A aucun moment Isaâc n'a été fils unique, alors qu'Ismaël le fut, et donc le qualificatif ne peut s'appliquer qu'à lui, à moins de suspecter (ce qui serait contraire aux faits et à l'enseignement de la Bible), la filiation d'Ismaël. Selon la Bible, Ismaël est annoncé et béni par Dieu : «Hagar enceinte, chassée par Saray, l'ange du Seigneur la rencontra près d'une source du désert et lui dit : «Je multiplierai beaucoup ta descendance tellement qu'on ne pourra pas la compter... Tu es enceinte et tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom d'Ismaël, car Yahvé a entendu ta détresse». (à suivre...)