Le ministre assimile les actes de certains groupes extrémistes en Europe à «des pratiques nazies». Le débat sur l'identité nationale en France et l'interdiction des minarets en Suisse: deux initiatives aux accents «xénophobes», qui peuvent alimenter les arguments des extrémistes se référant à l'Islam pour commettre des actes terroristes. C'est là, la première lecture faite par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Yazid Zerhouni, au sujet de ces deux questions, dont les polémiques ont largement dépassé les frontières de leurs initiateurs. Annoncé sur des dossiers sécuritaires, le ministre y a consacré, hier, la quasi-totalité de son intervention sur les ondes de la Chaîne III. Ce dernier n'hésite pas à parler de «dérapages» et de «dérives» dont les conséquences seraient incalculables. En terme plus clairs, Zerhouni défend que la France et la Suisse, sans bien évidemment le préméditer, ont donné «un quitus inespéré» aux organisations terroristes extrémistes qui tuent au nom de l'Islam. «Honnêtement, je ne vois pas comment un minaret pourrait gêner plus qu'un clocher d'église?» s'est -il interrogé. Pour Zerhouni, les actes et les déclarations qui entretiennent l'islamophobie apportent de l'eau au moulin de cette idéologie radicale qui prétend se fonder sur l'Islam. «Lorsque l'on propage une image rétrograde de l'Islam, quand on affirme que l'Islam est antinomique de la démocratie, de l'épanouissement de la femme, de la tolérance, l'on participe sciemment ou inconsciemment à alimenter l'islamophobie», déplore-t-il sans omettre le fait que «ce sont là des concepts en contradiction réelle avec le sens même de l'Islam. L'Islam était en réalité précurseur de tous les principes de tolérance, de respect de l'autre et de la cohabitation des religions». Le ministre assimile les actes de certains groupes extrémiste en Europe à «des pratiques nazies». Zerhouni s'attarde sur le débat sur l'identité nationale en France qui se focalise sur l'Islam. Rappelons que le président Nicolas Sarkozy défend un «Islam de France s'incluant sans heurt dans notre pacte social et notre pacte civique». Le président français parle d'un Islam discret et défend la position suisse. Son ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a prôné la fermeté jeudi contre le voile intégral, proposant notamment de refuser la naturalisation à un homme dont l'épouse serait entièrement voilée. Quant au sondage CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), rendu public cette semaine, il fait ressortir qu'une courte majorité de Français (54%) juge l'Islam compatible avec la vie en société en France. Alors qu'ils sont largement majoritaires (respectivement 82% et 72%) à estimer que les religions catholique et juive ne posent pas problème. Zerhouni qualifie ce débat de très risqué. «Nous risquons d'assister au développement d'une islamophobie qui est stimulée par des radicalismes religieux ou politiques». «Il est clair, poursuit-il, que des comportements d'intégristes et d'extrémistes qui se développent dans les sociétés chrétiennes et parmi les sociétés juives, créent des ressentiments chez nos sociétés musulmanes.» L'islamophobie à laquelle on assiste en Occident, regrette Zerhouni «risque même de compliquer la lutte contre le terrorisme» puisque, pour le ministre, la lutte contre le terrorisme ne se fait pas uniquement par les moyens sécuritaires, il y a tout d'abord les environnements économique, social et aussi intellectuel. Au plan interne, l'Etat fournit, dit-il, des efforts considérables pour ôter de l'esprit des citoyens les fausses idées reçues sur l'Islam et pour isoler les extrémistes. M.Zerhouni s'est montré aussi très gêné par ce glissement du débat sur l'identité nationale qui se transforme, au fil des jours, en procès contre l'immigration ou «les beurs français». «Je ne crois pas que les autorités françaises visent à créer une césure ou une opposition entre les différentes composantes de leur société», affirme-t-il. Au contraire, cette diversité dans la composition est une source de richesse et un élément qui facilite l'ouverture «de leur société sur le reste du monde, particulièrement sur le monde musulman et méditerranéen». Il rappellera enfin que la première génération d'immigrés n'a pas choisi son sort, mais les Algériens ont été forcés de travailler en France, notamment dans des mines. Ils ont, de ce fait, participé à la construction de l'Europe. «Leurs descendants subissent les effets d'une mauvaise gestion de ce dossier.» Quant aux responsables qui intègrent la question linguistique dans ce débat, il rappellera que l'Algérie est le deuxième pays francophone, que «tous nos enfants partent à l'école et que nous avons 2 millions d'universitaires» En d'autres termes, un Algérien peut plus facilement intégrer la société française, qu'un «citoyen de l'Europe centrale». Dans un autre chapitre, le ministre a déclaré que la lutte contre la matrice idéologique du terrorisme et ses ramifications est l'objectif de l'Algérie qui a pris part à Venise le 23 novembre, à la 14e session des 5+5. Une réunion au cours de laquelle, il a été question d'aborder quatre principaux points: la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, la circulation des personnes, la coopération locale ainsi que celle entre les protections civiles. La principale préoccupation de l'Algérie lors de ce forum était centrée sur les deux premiers points. Enfin, Zerhouni a refusé de s'expliquer sur le dossier relatif à l'ouverture des frontières algéro-marocaines. Il s'est contenté de dire que «l'Algérie n'est pas à l'origine du problème. Alors, évitons de parler pour laisser les choses se cicatriser correctement».