En fait, c'est Abraham qui lui donne le nom d'Ismaël (Shamaël, Ishma'ël) selon la volonté de Dieu. Le texte devient clair, s'il est ainsi rétabli : «Prend ton fils Ismaël, ton unique fils que tu aimes…» Il s'avère non moins évident, à l'analyse serrée de la narration biblique, qu'il s'agit d'une substitution tardive et maladroite et en contradiction formelle avec la logique des faits. Le faux ressort d'ailleurs du style «ton fils unique, celui que tu aimes, Isaâc, etc». Cette insistance et ces précisions nullement indispensables trahissent, à elles seules, chez le faussaire anonyme, une détermination intéressée et donc obstinée, à convaincre ses lecteurs, malgré la matérialité des faits, d'une contrevérité patente. Cette altération des faits, dans un texte yahviste, est certainement d'inspiration élohiste et avait un but : il s'agissait dans la pensée de son auteur, de faire du sacrifice d'Isaâc (substitué à Ismaël), consenti par Abraham mais non exécuté, non seulement une leçon de haute spiritualité de foi absolue en Dieu, mais encore et surtout une référence au rachat des premier-nés juifs et à la condamnation maintes fois rappelée par les Prophètes de l'immolation des premier-nés juifs, par imitation des pratiques païennes. Quelle conclusion tirer de ce passage consacré au parangon du monothéisme ? Abraham, ancêtre spirituel des Arabes et des Juifs, était d'origine mésopotamienne ; le message qu'il était chargé de transmettre à une date à situer entre 2200 et 2000 avant Jésus-Christ, aux hommes, était celui-là même que devaient communiquer tous les Prophètes de Dieu, en particulier Moïse, Jésus et Mohammed. L'islam s'est, dès ses débuts, proclamé comme une refonte, conformément à la doctrine d'Abraham, du judaïsme et du christianisme déviés par les schismes et les sectes. L'épreuve de soumission dont il fut le héros sincère (khalîl) concerne Ismaël et non Isaâc. Sa doctrine fut essentiellement orale. La Bible en constitue une version écrite. Mais il existait, on en a la preuve, d'autres versions écrites, comme il en est question dans le Coran. Cette doctrine se ramène, au point de vue dogmatique à l'Unicité et à la transcendance divines.