Pour prouver sa soumission, Abraham se vit dans l'obligation de sacrifier l'un de ses fils. Lequel ? Selon la Genèse, le «candidat» à l'immolation était Isaâc ; selon la thèse musulmane, il s'agit d'Ismaël. Les sémitisants tiennent les chapitres XIV à XX de la Genèse comme tardivement remaniés et harmonisés. Les auteurs vont plus loin : ils ont souligné cette falsification et considèrent, en outre, les chapitres suivants, surtout le chapitre XXII, comme transformés et pratiquement vidés de leur substance à cause des compilateurs des traditions juives qui se sont évertués, en arrangeant les textes à leur manière, à faire d'Isaâc et de son fils Jacob les seuls dépositaires de la Révélation et les seuls fondateurs du culte. Pour rendre cohérente la narration biblique et leur conception de la prophétie comme un privilège exclusif d'Israël, ils ont modifié le Texte sacré et substitué Isaâc à Ismaël. Certains chercheurs, même juifs, n'hésitent pas à écrire : «On constate que dans la narration organisée, la plupart des actes de filiation d'Isaâc et de Jacob ont été dédoublés par attribution artificielle et supplémentaire une première fois au grand ancêtre initial… l'alignement généalogique des personnages patriarcaux a eu pour conséquence, en outre, de rendre nécessaires des modifications dans le détail à l'ordonnance des légendes auparavant indépendantes, car il fallait harmoniser les récits et dans l'histoire suivie, les coudre en bonnes conditions de jonction narrative.» Sur cette substitution, le point de vue de l'islam mérite d'être connu. Abraham eut deux garçons : Ismaël (l'aîné, fruit de son union avec Hagar) et Isaâc dont la mère était Saray. Au cours de son apostolat, Abraham fut mis à rude épreuve : le sacrifice de l'un de ses deux fils. Ayant donné toute la mesure de sa soumission à Dieu, il fut miraculeusement arrêté dans son geste et l'immolation n'eut pas lieu. Mais lequel, encore une fois, de ses deux fils devait être sacrifié : Ismaël ou Isaâc ? La réponse à cette question met en cause certaines positions doctrinales et il importe d'examiner sans parti-pris la question dans le cadre des sources judéo-islamiques, non dans celui des hypothèses des sémitisants (Dussaud, Meyer, B. Luther, Winkler, Virolleaud, Lods, T. Böhl, Stade, Loisy, etc.) selon lesquelles Abraham ferait partie des mythes grâce auxquels s'explique le passage du culte lunaire de la Mésopotamie au pays de Cana'ân, car cela nous entraînerait trop loin de nos présentes préoccupations. Elle a été examinée par divers auteurs musulmans. (à suivre...)