Etude n Pour comprendre le mouvement migratoire de ces femmes, il faut revenir sur les raisons qui les ont poussées à émigrer. Fatiha Lovichi-Dahmani, de formation sociologique et chef de service éducatif en France, et dont les travaux son liés aux problématiques de l'identité, de la filiation et de la transmission, a évoqué, lundi, au Salon international du livre le thème de l'immigration des femmes vers la métropole. «L'immigration ne se limite pas à des chiffres et des statistiques, mais c'est une question humaine», a-t-elle dit, ajoutant que «l'immigration des femmes algériennes dans les années 1950/1962 est un fait occulté, ignoré», un fait réduit uniquement et inéluctablement au simple constat du «regroupement familial», d'où l'intérêt pour Fatiha Lovichi-Dahmani de revisiter cette période de l'histoire, une période si douloureuse pour toutes ces femmes qui, décrites comme soumises et analphabètes, ont rejoint leurs époux, travailleurs temporaires, et de les interroger pour traduire lisiblement leur trajectoire migratoire. «C'est pour leur donner la parole», a-t-elle dit. En effet, l'étude qu'a effectuée Fatiha Lovichi-Dahmani vise à faire connaître ces femmes en leur prêtant la parole dont elles n'avaient longtemps pas le droit. «Je veux faire sortir toute ces femmes, qui sont à mes yeux courageuses, de l'ombre et de l'oubli», a-t-elle dit. Et de poursuivre : «Ces femmes étaient à 95% d'origine rurale. Toutes ont connu une grande misère et ont eu un destin commun.» Pour comprendre le mouvement migratoire de ces femmes, il faut revenir sur les raisons qui les ont poussées à émigrer, c'est-à-dire à se situer par rapport à leur contexte social dans leur douar. «C'était des femmes «délaissées» par leurs époux, ils ne revenaient au village qu'une fois les deux années; d'autres n'y revenaient jamais, car ils ont refait leur vie en France et y ont fondé une nouvelle famille. Elles étaient en quelque sorte des veuves.» Et de dire que «seules, à la merci de leurs beaux-parents, elles ont connu la misère et enduré les inégalités ainsi que le regard méprisant et railleur de la communauté». Pour échapper à leur condition, elles ont pris la décision de partir, de quitter, à leur tour, leur village et d'aller en métropole rejoindre leurs maris. «Leur exil était chargé de souffrance et de culpabilité», a-t-elle souligné parce que leur départ était une rupture avec les leurs et leur ancrage dans la métropole. «En partant en France, elles ont bravé la morale. Nombreux sont ceux qui ont tenté de les en empêcher, mais malgré les menaces elles ont réussi à partir.» «En France, c'était la désillusion pour la plupart, car en y arrivant, leurs époux, pris au dépourvu, n'ont eu de réaction que de changer de ville, donc d'abandonner leur femme et enfants. Toutes ces femmes, selon Fatiha Lovichi-Dahmani, vivent douloureusement leur passé. «Elles ne peuvent pas être insensibles à leur passé», a-t-elle souligné. Et d'ajouter : «Aujourd'hui, elles continuent d'entretenir un lien (affectif) avec leur terre natale.»