Résumé de la 1re partie n Le narrateur, un jeune Targui, raconte son quotidien de berger, son amie Tazarnat, la cérémonie du thé… J'aimais la plainte monocorde accompagnant un chant qui exaltait l'amour, la guerre et la poésie, tant il est vrai que la conquête de l'ennemi ou de la femme enivre d'une même joie. J'aimais la cérémonie du thé. D'un ample mouvement, l'homme fait le thé. Le liquide tombe de haut dans le verre et mousse. C'est à la mousse qu'on reconnaît la qualité de ce breuvage. C'est lentement, en faisant du bruit, qu'on le déguste. Tout est lent. Les gestes se désarticulent au ralenti d'une danse en suspens. Il faut trois conditions pour faire le thé : le temps, les braises, les amis. La bienséance veut que l'invité ne parte pas avant d'avoir bu le troisième verre. Le premier verre est âcre comme la vie. Le deuxième verre est doux comme l'amour. Le troisième verre est suave comme la mort. Dès que le soleil réveille les pierres, je pars chercher les dromadaires qui se sont trop éloignés et je les mène au point d'eau. L'eau impose sa loi. Elle est la vie des nomades. Elle est la raison de notre éloignement, tant il faut bois et pâturages pour subsister. Je vis au souffle du vent qui doit apporter les nuages de pluie. Je dois m'arrêter de respirer quand l'air endormi écrase les épaules. Je souffre avec l'arbre fermé de douleur par l'acharnement du sable à le faire périr. «L'eau de l'outre n'a de valeur que pour celui qui s'y abreuve.» Je pense à ma mère qui m'a mis au monde les genoux au sol. Le sable qui a absorbé les eaux de ma naissance pour m'accueillir, ce sable voudrait-il aujourd'hui me faire disparaître comme il a fait disparaître mes animaux ? J'ai besoin de vivre. J'ai besoin d'aimer, aimer Tazarnat. Aimer toujours Tazarnat. Elle est l'égale de Dassine, l'étoile des étoiles que Moussa ag Amastane a tant aimée. J'ai continué mon chemin, sons et musique, dans ma tête, mêlés. Sons, musique du passé, plainte des chevreaux qui appellent leur mère à l'aube. Hululement du vent dans les nattes, autour de la tente, les soirs de tempête. Cri de la poulie au-dessus du puits. Thé versé de très haut dans les verres. Appel du tindé (1) après la traite. De toutes ces musiques, la plus belle est celle de la caravane qui avance. Crissement régulier des pas lourds sur le sable du silence. Le temps des caravaniers s'achève-t-il ? (à suivre...) (1) Tindé : fête spécifiquement targuie. A l'aide de l'imzad, du t'bal et des claquements de mains. Pour les jeunes prétendants touareg, c'est l'occasion de faire une cour discrète et virile à l'objet de leur flamme.