Jusque-là, l'Algérien s'est totalement désintéressé de la question économique, se reposant totalement sur l'Etat pour tout ce qui le touche de près ou de loin. Mais aujourd'hui, la nouvelle conjoncture, induite essentiellement par la mondialisation et caractérisée par le désengagement de l'Etat, l'oblige à se remettre en question et à reconsidérer ses centres d'intérêt. Requalifier le facteur humain La relation qu'a l'Algérien avec l'économie est complexe et faite de paradoxes. «L'Algérien a appris à s'appuyer sur l'Etat. C'est l'Etat qui doit l'héberger, c'est l'Etat qui doit le nourrir et assurer son avenir.» Ce constat de Mohamed Slatni, docteur en sciences économiques à l'université d'Alger, renseigne sur l'étendue du désengagement du citoyen par rapport à la prise en charge de ses propres préoccupations, estimant que tout ce qui a trait à l'économie est du ressort de l'Etat providence. L'Algérien, non consulté dans les débats qui portent sur les accords d'association, sur l'adhésion à l'OMC ou encore, précédemment, sur l'accord stand-by, se contente, lui, de la dichotomie production/ consommation, estimant qu'on ne peut l'assimiler à cette image stéréotypé de l'Américain, un hot-dog dans les mains, les yeux rivés sur les indices fluctuants de la Bourse à Wall Street. La réalité, en Algérie, fait que c'est l'Etat qui a la charge d'assurer, de par son rôle de régulateur, les équilibres macro-économiques ; on lui attribue, souvent à tort, la tâche de régulateur social. «Cela serait vrai si on était dans une économie dirigiste comme c'était le cas par le passé. Aujourd'hui, économie de marché oblige, c'est à l'individu de se prendre en charge. Aujourd'hui, à l'heure de l'explosion de la bulle Internet, c'est l'esprit d'entreprise qui est le plus en vogue et c'est à partir de cet axiome que tout ce qui est microéconomique doit être réglé non pas dans les sphères de l'Etat mais au niveau des individus», explique notre interlocuteur qui, dans la foulée, prévient contre le risque, ô combien désavantageux, de «s'isoler entièrement par rapport à toutes les donnes économiques». Ce spécialiste met en avant le fossé qui sépare l'Etat de l'individu. Le premier parle de «croissance», un mot auquel le second oppose celui de «crise». «l'Etat parle en terme de grands équilibres en prenant en compte le PIB, le taux de croissance, les taux directeurs, l'inflation, le cours du pétrole… et cela n'a de répondant que si ces facteurs réunis arrivent à se répercuter positivement sur le pouvoir d'achat des citoyens. Or, si l'Etat estime que les équilibres macro-économiques vont assurer une croissance annuelle à hauteur de 5,5%, par exemple, mais que parallèlement à cela, la pomme de terre se vend à 70 DA, le citoyen se dit être en droit de parler de crise, même si on n'a jamais lu ni Keynes, ni Galbraith, ni Ricardo», ajoute M. Slatni. Et comme nombre de ses collègues, issus des différentes écoles économiques, M. Slatni estime cependant que l'Algérien, à l'heure des grandes mutati ent. «Un travailleur est avant tout une ressource humaine qu'il faut valoriser. On ne cherche pas à faire de chaque Algérien un expert en commerce ou en relation internationale, mais il faudra tout de même requalifier dans nos entreprises le facteur humain car c'est de lui que peuvent venir les meilleures performances et non pas des simples perfusions intempestives», argue-t-il en faisant allusion aux récentes augmentations de salaire.