Il lui répondit : «Vole et glisse, sorcière ! De ta fille tu as mangé la chair.» Effrayée, elle scruta autour d?elle et aperçut Seïf Eddine sur le grand chêne. D?un bond, elle se précipita chez le forgeron : ? Forgeron, forgeron, fabrique-moi une hache ! Le forgeron lui forgea une hache et lui dit malicieusement : ? Surtout frappe du côté plat et pas du côté tranchant. Elle lui obéit : elle frappa, frappa, elle cogna, cogna? en vain. Alors, elle approcha ses lèvres du chêne et se mit à le ronger avec ses dents. Après un bon moment, l?arbre commença à craquer. Dans le ciel passait un groupe de cygnes et d?oies. Seïf Eddine voyant son malheur, leur adressa une prière et une supplique : «Cygnes et oies, sauvez-moi. Prenez-moi sur votre aile. Allons ensemble chez mes parents Ils vous donneront à manger et à boire.» Mais les cygnes et les oies répondirent : ? Pas le temps ! Une autre troupe arrive, plus affamée que nous. Ils t?enlèveront d?ici et t?emmeneront. Mais la sorcière continuait inlassablement à ronger. Les copeaux volaient de toutes parts. Le chêne craquait et tremblait. Passa un autre escadron de cygnes et d?oies. A nouveau, Seïf Eddine les supplia : «Cygnes et oies, sauvez-moi. Prenez-moi sur votre aile ! Allons ensemble chez mes parents, Ils vous donneront à manger et à boire.» ? Pas le temps, lui répondirent les oies. Il y a, derrière nous, une petite oie à moitié déplumée. Elle te prendra et te transportera. L?oie n?arrivait pas et le chêne craquait et vacillait. La sorcière rognait et rognait, jetant de temps en temps un ?il sur Seïf Eddine avant de se remettre à l?ouvrage. L?idée de le voir tomber et d?être à sa merci la faisait redoubler d?ardeur. Par chance, l?oison déplumé n?était plus qu?à quelques battements d?aile du chêne. De loin, Seïf Eddine le supplia avec empressement : «Oison, de grâce, emporte-moi, permets-moi de m?asseoir sur ton aile et emmène-moi jusque chez mon père et ma mère. Ils te traiteront comme un roi.» Le pauvre oison déplumé eut pitié et détourna son vol. De son aile droite, il cueillit Seïf Eddine au sommet de son chêne et l?installa sur son dos. Ils s?éloignèrent tous les deux. Il était temps. Le chêne s?abattit dans un formidable craquement. Dans sa chute, il écrasa la sorcière, qui rendit son dernier soupir. Arrivés à destination, l?oison et son protégé se posèrent dans l?herbe devant la fenêtre de la mère tant aimée. La vieille était occupée à faire des crêpes, en pensant à son cher fils disparu. Elle disait tristement : ? Celle-ci est pour toi, mon invité. Celle-là est pour toi, mon vieux mari. Et cette dernière est pour moi. Et Seïf Eddine par la fenêtre, ajouta : ? Et moi ? ? Va voir dehors, grand-père, va voir, qui nous demande une crêpe ? dit la vieille femme. Le vieil homme sortit, aperçut Seif-Eddine et le prit dans ses bras. Puis il le conduisit vers sa mère qui le serra contre son c?ur. Ils festoyèrent ensemble. L?oison put boire et manger à volonté. Et depuis cette époque, il bat des ailes avec majesté. Il vole devant ses compagnons et n?oubliera jamais Seïf Eddine.