Portrait n Aîné de ses 18 frères et sœurs, Ali est cordonnier chez un particulier. A 34 ans, il ne pense pas à se marier dans le F2 de ses parents, à la cité Chevalley. Il touche un salaire «minable» et il n'est pas déclaré à la sécurité sociale. Donc, il n'a pas de fiches de paie et ne peut aspirer à un logement. Ses parents se sont mariés en 1967, le père occupait alors ce F2, à la cité Chevalley, dans la commune de Oued Koreich, depuis 1963. Depuis 1967, la mère d'Ali accouchait chaque année. Son aînée est décédée deux mois après sa naissance, en 1968. Onze garçons et six filles lui succédèrent. Un autre frère a également été emporté par la rougeole alors qu'il avait un an. Le bilan de décès dans cette famille aurait pu être plus lourd. Le père a contracté la tuberculose et il a contaminé cinq autres membres de la famille. Dans les conditions de vie de cette famille, la contagion était inévitable. C'est un F2 composé d'une petite pièce, à droite de l'entrée principale de l'appartement, où dorment la mère et trois filles, et d'un grand hall, avec un mur pour permettre aux filles et aux garçons d'être séparés. La partie, la moins spacieuse est destinée à trois autres filles. Elles dorment juste en face de l'entrée. A une petite cuisine, où à peine deux personnes peuvent se tenir debout, la loggia a été ajoutée. Deux filles s'y activent au moment de notre arrivée, trois autres lavent le linge, dans les toilettes, qui leur servent de douche, également. Pendant que l'une lave, l'autre rince et une troisième étend le linge, probablement sur la terrasse. Car côté cuisine, une seule petite fenêtre permet une aération. Dans la première pièce, une petite fenêtre permet à peine de respirer. Pendant ce temps, deux frères dorment dans le plus grand espace réservé, exclusivement, aux garçons avec leur père. La mère d'Ali dira : «Il faudra revenir la nuit pour les voir allongés par terre comme un troupeau.» Elle ne cachera pas les conflits entre frères et sœurs qui éclatent par moments, «à cause des affaires déplacées ou rangées» et qui souvent dégénèrent. Néanmoins, la mère de cette famille nombreuse notera : «Aucun de mes enfants ne s'est marié, pourtant ils sont pratiquement tous en âge de le faire.» Mais elle remerciera Dieu car aucun de ses enfants n'est délinquant. Deux des fils lavent des voitures dans le quartier pour subvenir à leurs besoins.