Résumé de 1re partie n La jalousie et les soupçons poussent la femme du prince à passer outre à l'interdiction de son mari. C'est ainsi qu'elle découvre l'ogre blessé. Elle le soigne et conspire avec lui pour éliminer son époux. Sans perdre de temps, la femme échafauda un piège. Elle souligna ses yeux à l'antimoine, colora ses joues au carmin, donna plus d'éclat à ses dents et vêtit sa plus belle robe. Lorsqu'elle pressentit le retour de son mari, elle courut à sa rencontre et l'accueillit avec de grandes marques d'affection. Elle lui apprêta un délicieux repas, puis, lui proposa, pour la veillée, de jouer avec elle au jeu de la force : elle lui attachait les bras et les jambes avec des liens qu'il devait rompre en usant de sa seule force physique. A mesure que les liens craquaient, elle les remplaçait par de plus gros et de plus solides. A la fin, elle utilisa une corde si épaisse qu'il fut impossible au pauvre prince de s'en libérer. Reconnaissant avec humilité les limites de sa force, il pria sa femme de le détacher, mais, à son grand étonnement, celle-ci cessa de plaisanter et l'expression de son visage devint tout à coup dure et menaçante. Elle se retourna vers la porte et lança : – Les rats, sortez de vos trous ! Et à l'instant même l'ogre se montra, un terrible coutelas à la main et l'air triomphal. Alors, réalisant avec effarement et douleur que sa femme, sa propre cousine, venait de le trahir, il la supplia en ces termes : – Puisque je sais que mon ennemi, assoiffé de vengeance, va me dépecer, accorde-moi la grâce, une fois mort, de rassembler mes restes dans un sac. Charge-le sur le dos de mon cheval et dis-lui seulement : «Va où tu as l'habitude de te régaler d'orge grillé». – Puisque cela ne me coûte rien, je ferai selon tes désirs, répondit la femme avant de laisser l'ogre accomplir sa funeste besogne. Avec une sauvagerie extrême, l'ogre, ivre du plaisir de se venger, désarticula le corps du malheureux prince. Après quoi, la perfide épouse mit la dépouille dans un sac qu'elle attacha sur le dos du cheval. — Va où tu as l'habitude de te régaler d'orge grillé ! lança-t-elle au cheval en le fouettant. Et le cheval, déjà inquiété par l'absence de son maître, comprit tout de suite que quelque chose de grave venait d'avoir lieu ; il vola en direction de la maison de la vieille femme solitaire. Lorsqu'il fut devant la porte, il poussa un long et triste hennissement qui résonna lugubrement aux oreilles de la vieille femme. Le cœur serré de mauvais pressentiments, elle se précipita à sa rencontre et demeura comme pétrifiée de douleur à la vue du sac sanguinolent occupant la place du prince, absent pour la première fois. Elle déchargea le sac avec délicatesse et le rentra à la maison. Après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, elle coucha la dépouille démembrée sur une natte et patiemment entreprit de remettre chaque membre, chaque os, chaque organe à sa place naturelle, puis, elle rassembla de mystérieux onguents et ressouda le tout. Dès lors, délaissant toutes ses occupations coutumières, elle se consacra exclusivement à faire revenir le souffle de la vie dans le corps de celui qu'elle appelait son fils. Elle le faisait boire à la petite cuiller, le massait avec de l'huile et renouvelait régulièrement les pansements. (à suivre...)