Résumé de la 5e partie n Les premiers éléments de l'enquête font état que les deux frères, ayant tellement peur de la pauvreté, devinrent avares et miséreux. Il était aveugle depuis quand ? — Plusieurs années, mais le médecin n'est jamais venu. Le frère me disait que l'aveugle préférait une cure d'oranges aux traitements des médecins. Les oranges devaient lui redonner la vue un jour... Mais ce pauvre type n'avait que les raclures, la plupart du temps. Et le whisky aussi... il paraît que ça pouvait le sauver. — Ils buvaient tous les deux ? — Pensez-vous... à peine... De temps en temps, Frédéric se procurait une petite bouteille ; ils devaient la boire au compte-gouttes, comme un médicament. Le médecin légiste fait un rapport succinct à l'inspecteur Calsoum. — Chute, ou violence, difficile à dire, sans l'autopsie. Vous avez des raisons de croire à un meurtre ? — Tout était bouclé, et l'autre a disparu, il n'y a que lui qui a pu refermer la porte blindée. On n'a pas trouvé de clés, mais vous me direz que dans ce b... un rat ne retrouverait pas ses moustaches. Il va falloir perquisitionner, rechercher s'il y a une famille proche, pour obtenir l'autorisation de le faire... — Bon courage, Calsoum... Vous devriez peut-être faire appel à l'armée ? Le légiste ironise, mais Calsoum est terriblement embêté. Ses hommes n'ont pu faire que le minimum, pour dégager le cadavre. Impossible de toucher au reste, sans l'autorisation d'un ou de plusieurs héritiers. C'est la loi, tant qu'il n'y a pas preuve d'assassinat, le procureur ne peut rien autoriser de plus. Deux jours plus tard, les journaux ont propagé la nouvelle, du Bronx à Manhattan. Toutes les polices de l'Etat recherchent le milliardaire Frédéric Barney, en fuite, suspecté d'avoir assassiné son frère aveugle, Christian Barney. Les deux frères étaient les seuls enfants d'un gynécologue réputé avant-guerre, qui leur a légué une fortune considérable, et pourtant ils menaient tous les deux, depuis des années, une existence sordide et ahurissante. Riches et diplômés tous les deux de l'université de Columbia, pourquoi ont-ils mené cette vie de clochards dans leur propre palais de la Cinquième Avenue ? Frédéric a commencé par faire du droit, Christian était ingénieur et passionné de musique. Ils n'ont pas exercé leur métier plus d'un an. Un journaliste révèle que Christian Barney avait envisagé de donner un récital un jour, loué une salle et acheté plusieurs pianos dont il n'était pas satisfait. Il repoussait sans cesse la date de son concert, jusqu'au jour où il l'a annulé purement et simplement, en déclarant à l'organisateur qu'il venait d'entendre, pour la première fois, le virtuose polonais Paderewski. Après Paderewski, personne. En tout cas pas lui. Le changement brutal du mode de vie des deux frères se situe il y a une vingtaine d'années. Plus d'électricité, de gaz et d'eau. Ils voulaient simplifier et se délivrer du cauchemar des quittances à payer, de l'intrusion des employés releveurs de compteurs et des encaisseurs. Ils allaient ainsi, à tour de rôle, chercher de l'eau à une fontaine de Central Park, à un kilomètre de chez eux. Un jour, Frédéric se mit à sortir seul, et on ne vit plus Christian, devenu aveugle. Comment ? Mystère. Et lentement la démence s'installa, en même temps que le capharnaüm dans leur hôtel particulier, sur l'avenue la plus chic de New York, à quelques pas des grands hôtels, des grands buildings, des boutiques de luxe... La mort étrange du milliardaire aveugle passionne le public new-yorkais et l'Amérique entière. (à suivre...)