Résumé de la 1re partie n Victime de la mauvaise foi d'un mendiant aveugle, Mourad le suit jusqu'à son domicile... L'aveugle termina son repas, sortit sa besace, palpa son compte de la journée et, lorsqu'il soupesa la pièce de 5 dinars, il éclata d'un large rire. Mourad serra les dents. Puis l'aveugle porta l'ensemble de la recette dans une grande jarre située dans l'angle de la pièce. Pendant le sommeil de son hôte, Mourad vida la jarre qui était pleine d'argent et fit un solide paquet de ce trésor. Quand le matin, l'aveugle ouvrit la porte pour sortir, il sortit derrière lui. Il s'était promis de le surveiller et se mit donc à le suivre. La journée se passa comme précédemment. Mourad, le soir, le raccompagna jusque devant la porte de sa maison et entendit un beau tapage d'imprécations quand l'homme trouva sa jarre vide. Le lendemain, l'aveugle, toujours suivi de Mourad, se rendit à sa place habituelle, car les infirmes de ce pays s'étaient partagé les divers quartiers de la localité et formaient une sorte de société secrète où chacun connaissait ses partenaires et avait son secteur défini. En passant devant un de ses confrères, l'aveugle, très nerveux, s'arrêta et raconta comment il avait été dévalisé. Mourad assistait au colloque en observateur attentif et silencieux. Le deuxième aveugle dit : «Quelle imprudence d'avoir laissé ton argent à la maison ! Ce n'est pas à moi qu'on pourra jouer un tour pareil. Je porte tout mon argent dans ma djellaba (manteau de laine fermé). Et comme je ne la quitte jamais, ni de jour ni de nuit, je ne risque rien !» Aussitôt, le premier aveugle se mit à ruminer dans sa tête un plan pour essayer d'obliger son confrère à ôter sa djellaba. Les idées ne lui manquèrent point... Il alla chercher une jarre moyenne, versa au fond un peu de miel pour appâter les abeilles et, quand celles-ci furent assez nombreuses, il la porta au deuxième aveugle en lui disant : «Je vais à la mosquée pour faire ma prière. J'ai là une jarre de miel et maintenant j'ai trop peur des voleurs pour l'abandonner à ma place. Voulez-vous me la garder jusqu'à mon retour ? — Volontiers», dit l'autre. Le premier aveugle ne s'éloigna que de quelques pas, dans l'attente des événements. Le deuxième aveugle prit la jarre, la cacha soigneusement sous sa djellaba pour ne pas être vu et plongea son doigt tout au fond pour prendre une lichée de miel. Aussitôt les abeilles déchaînées firent une tempête de leurs dards sous le manteau qui les emprisonnait. (à suivre...)