Résumé de la 1re partie n Nous commençons cette série consacrée à l'anthropophagie par une histoire ancienne que l'on retrouve dans plusieurs régions d'Algérie et même à l'étranger. Le premier récit que nous rapportons vient de Kabylie, mais il est attesté également dans d'autres régions d'Algérie telles que l'Ouarsenis et les Aurès et dans des villes comme Blida et Constantine. Il est également connu, comme nous le verrons, dans d'autres pays telles la Hongrie, l'Estonie, l'Italie, l'Espagne, la France, l'Allemagne... Le récit que nous rapportons est même connu dans deux versions que nous relateront successivement. Autrefois, il y a bien longtemps, racontent les personnes qui savent si bien conter des histoires, vivait, dans un village aujourd'hui disparu, une famille très pauvre. Quand on dit pauvre, c'est qu'elle l'était vraiment. Elle n'avait, pour moyen de subsistance, qu'un champ, que l'homme de la maison travaillait à longueur d'année. Que la saison soit bonne et la famille dispose de suffisamment de grain pour manger, que la sécheresse s'abatte sur le pays et que le grain se dessèche avant maturité et c'est la famine. Cette année-là, la terre s'était montrée généreuse et les épis d'orge ont poussé si dru que le maître de la maison ne peut, à lui seul, moissonner et dépiquer. Le soir, il a fait part à son épouse de sa préoccupation. — Comment allons-nous faire pour récupérer toute cette orge ? Si j'avais de quoi les payer, j'aurais recruté des ouvriers agricoles ! — Tu peux toujours demander une touiza ! — Certes, répond l'homme, la touiza est gratuite, mais elle a ses contraintes : il faut, une fois le travail fini, nourrir ces ouvriers ! — Il nous reste un peu de grain de l'année dernière, je le roulerai en couscous. Nous avons aussi de l'huile, nous l'en arroserons ! — Mais la viande... — Hélas, dit la femme, nous n'avons ni poulet ni chevreau et encore moins de chèvre ou de mouton ! — Or, dit l'homme, le repas des ouvriers volontaires doit être copieux, autrement on se moque de celui qui les a appelés ! — Nous n'avons rien à offrir à nos ouvriers que le couscous arrosé d'huile ! — Et si tu cherchais, parmi tes parents, quelqu'un qui nous prêterait de quoi honorer nos ouvriers ? — Ma famille est aussi pauvre que la tienne, dit la femme, mais je vais quand même en faire le tour... — Dis que la récolte de cette année est belle et que nous aurons du grain en abondance ! Dès le lendemain, elle se rend dans sa famille, en quête d'une poule ou d'un chevreau, mais ceux qu'elle sollicite sont, soit aussi démunis qu'elle, soit, n'étant pas riches, craignent qu'elle ne soit pas en mesure de les rembourser. — Nous sommes désolés de ne pouvoir t'aider, lui répond-on de toutes parts. Elle revient à la maison bredouille. (à suivre...)