Résumé de la 6e partie n Le bœuf et le cerf ont fini par tisser des liens d'amitié. La complicité entre les deux petites sœurs et le cerf excite la curiosité des parents. A quoi ça ressemble ! disaient-ils. Après une journée de travail, aller se fatiguer à courir au lieu de bien se reposer pour être frais et dispos le lendemain. C'est comme les gamines, elles s'en donnent déjà bien assez toute la journée sans avoir besoin de s'essouffler derrière toi. — De quoi vous plaignez-vous ? répliquait le cerf. Il doit vous suffire que je fasse mon travail convenablement. Pour les petites, je leur apprends à courir et à sauter. Depuis que je suis ici, elles courent déjà bien plus vite. N'est-ce rien ? et y a-t-il dans la vie quelque chose qui soit plus utile que de bien courir ? Mais toutes ces bonnes raisons ne contentaient pas les parents, qui continuaient à grommeler en haussant les épaules. Le cerf ne les aimait guère et, sans la crainte de peiner les deux petites, il se fût laissé aller plus d'une fois à montrer ses vrais sentiments. Les amis qu'il s'était faits parmi les bêtes de la ferme l'aidaient aussi à prendre patience. Il y avait un canard bleu et vert avec lequel il s'entendait très bien et qu'il installait parfois entre ses cornes pour lui faire voir le monde d'un peu haut. Il aimait également beaucoup le cochon, qui lui rappelait un sanglier de ses amis. Le soir, à l'écurie, il avait de longues conversations avec le bœuf. Ils se racontaient leurs vies. Celle du bœuf était bien monotone et l'arrivée du cerf à la ferme en avait été le plus grand événement. Il en convenait lui-même et, au lieu de raconter, préférait écouter son ami. Celui-ci parlait des bois, des clairières, des étangs, des nuits passées à poursuivre la lune, des bains de rosée et des habitants de la forêt. — N'avoir pas de maître, pas d'obligations, pas d'heure, mais courir à sa fantaisie, jouer avec les lapins, parler au coucou ou au sanglier qui passe... — Je ne dis pas, répondait le bœuf, mais l'écurie n'est pas méprisable non plus. La forêt, je verrais ça plutôt pour des vacances, à la belle saison. Tu diras ce que tu voudras, mais en hiver ou par les grandes pluies, les bois ne sont guère agréables, au lieu qu'ici je suis à l'abri, les sabots au sec, une botte de paille fraîche pour me coucher et du foin dans mon râtelier. Ce n'est quand même pas rien. Mais, tandis qu'il parlait ainsi, le bœuf songeait avec envie à cette vie de sous-bois qu'il ne connaîtrait jamais. Dans la journée, en labourant sur le milieu de la plaine, il lui arrivait de regarder la forêt en poussant, comme le cerf, un soupir de regret. La nuit même, il rêvait parfois qu'il jouait avec des lapins au milieu d'une clairière ou qu'il grimpait à un arbre derrière un écureuil. Le dimanche, le cerf quittait l'écurie dès le matin et s'en allait passer la journée en forêt. Le soir, il rentrait avec des yeux brillants et parlait longuement des rencontres qu'il avait faites, des amis retrouvés, des courses et des jeux, mais le lendemain il était triste et ne desserrait pas les dents, sauf pour se plaindre de la vie ennuyeuse qu'il menait à la ferme. Plusieurs fois, il avait demandé la permission d'emmener le bœuf, mais les parents s'étaient presque fâchés. — Emmener le bœuf ! pour aller traîner par les bois ! Laisse le bœuf en paix. (à suivre...)