Mesure n Il s'agit d'un des plus importants jamais organisés dans le monde contre le terrorisme islamiste et la nébuleuse Al-Qaîda. Le calendrier prévoit 110 sessions totalisant 53 jours effectifs de procès, au rythme de trois par semaine, les lundis, mardis et mercredis. Sept accusés principaux encourent, à eux seuls, une peine cumulée de 270 600 ans de prison, un record en Espagne, même si dans ce pays la durée effective maximale de la réclusion est limitée à 40 ans. Selon le parquet, le total des indemnisations aux victimes, déjà en grande partie versées, sera de 95,5 millions d'euros. Le verdict sera mis en délibéré, et probablement rendu en octobre. Pour rappel, le 11 mars 2004 au matin, vers 07h 40, dix bombes explosent à Madrid et dans sa banlieue à bord de quatre trains bondés, fauchant ouvriers, employés, immigrés et étudiants de 13 nationalités. Bilan : 191 morts, et 1 824 blessés. C'est le pire carnage terroriste jamais commis en Espagne et le plus meurtrier en Europe occidentale depuis celui de Lockerbie en 1988 (270 morts). Immédiatement attribué par le gouvernement conservateur de José Maria Aznar à l'ETA – qui décline toute responsabilité – , le massacre est revendiqué le soir-même au nom du réseau terroriste Al-Qaîda. Deux jours plus tard, une cassette vidéo en arabe est retrouvée à proximité de la mosquée de Madrid, revendiquant les attentats «au nom du porte-parole militaire d'Al-Qaîda en Europe», en «réponse» à la «collaboration» de l'Espagne avec les Etats-Unis en Irak. L'Espagne avait été menacée de représailles par Al-Qaîda en raison de l'engagement de son gouvernement auprès de Washington en Irak, dans un message attribué à Oussama ben Laden diffusé le 18 octobre 2003. Le chef du gouvernement de l'époque, José Maria Aznar, comptait parmi les plus fervents partisans de l'intervention militaire américaine, malgré l'opposition d'une large majorité d'Espagnols. Les attentats du 11 mars ont suscité une réaction sans précédent dans ce pays frappé pour la première fois sur son territoire, avec une extrême violence. Le lendemain des attentats, un Espagnol sur quatre descend dans la rue pour la manifestation la plus massive de l'histoire du pays, rassemblant 11,6 millions de personnes contre le terrorisme. Les élections législatives organisées le 14 mars portent à la tête du nouveau gouvernement espagnol le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, adversaire déclaré de la guerre en Irak. Le 18 mars, il ordonne le retrait des troupes espagnoles déployées en Irak, conformément à sa promesse électorale. l Le procès des auteurs présumés des attentats du 11 mars 2004 s'annonce comme un rendez-vous judiciaire hors norme tant par la taille que par la durée, à la mesure de la tragédie vécue par la capitale espagnole il y a trois ans. 29 personnes comparaîtront au banc des accusés tout au long des cinq à six mois d'audience. 107 experts, dont une douzaine en explosifs, et au moins 610 témoins déposeront à la barre. Le procès se tiendra dans une annexe transformée en bunker de l'Audience nationale, le tribunal antiterroriste espagnol, en bordure du parc de la Casa de Campo, à l'ouest de Madrid. Les 140 journalistes espagnols et étrangers accrédités suivront les débats dans une salle équipée d'écrans plasma. Ces images filmées par quatre caméras pourront être diffusées en direct et en intégralité par toutes les télévisions du monde qui l'auront demandé. A l'intérieur du prétoire, 40 places ont été réservées aux victimes et 29 aux parents et proches des accusés. Il s'agira aussi du premier «procès numérique» en Espagne. Les 93 226 pages du dossier d'instruction, photos, croquis et autres documents pourront être produits sur écran à la seconde par le président. Tous les échanges entre avocats et magistrats seront transmis en temps réel sur leurs ordinateurs portables.