Inéluctabilité n En dépit de l'absence d'une volonté politique manifeste, les spécialistes estiment l'éventualité de l'institution d'un marché commun maghrébin, à défaut d'une union politique, parfaitement plausible, voire même incontournable. Incontestablement, la situation de Non-Maghreb a un coût exorbitant pour les économies de la région. Un coût appelé à croître d'une manière effrénée si les autorités politiques ne consentent pas à dépasser leurs divergences pour regarder résolument vers l'avenir. Ces autorités ne semblent pas inquiètes outre mesure et, paradoxalement, la sonnette d'alarme est tirée par des experts européens et américains. Le FMI et l'OMC, pour ne citer que ces deux institutions sont catégoriques : l'unique moyen pour les Etats maghrébins de tirer profit des accords conclus séparément avec l'UE reste la concrétisation d'une intégration régionale. En effet, une telle option permettra, d'une part, la création «d'économies d'échelle» comme alternative aux marchés intérieurs actuels, du reste étroits, et d'autre part, elle favorisera la promotion des flux d'investissement dans la région. Ce qui équivaut à anéantir l'une des retombées les plus néfastes des accords d'association, à savoir ce que les économistes appellent «l'effet centre et rayons» ou la concentration des nouveaux investissements dans l'espace européen. L'objectif est-il réalisable pour autant ? En dépit de l'absence d'une volonté politique manifeste, d'aucuns estiment aujourd'hui l'éventualité de l'institution d'un marché commun maghrébin, à défaut d'une union politique, parfaitement plausible, voire inéluctable. D'autant plus que la mondialisation galopante risque tout simplement de phagocyter les économies des cinq pays du Maghreb, si celles-ci ne s'organisent pas en bloc soudé. Mme Rugwabiza, cadre de l'OMC, rappelle les énormes potentialités de la région : une population de près de 82 millions d'habitants, majoritairement des jeunes, un PNB total de plus de 220 milliards de dollars, des ressources naturelles et énergétiques abondantes (hydrocarbures, en Algérie et en Libye, phosphate au Maroc), un secteur exportateur performant (textile et habillement en Tunisie et agriculture au Maroc) et des performances appréciables dans le domaine du tourisme. En sus, la proximité de l'Union européenne, qui est considérée comme l'un des plus grands acteurs de l'économie mondiale avec plus de 450 millions de consommateurs, constitue un autre facteur à même de favoriser l'intégration économique maghrébine. Abondant dans le même sens, d'autres experts estiment que l'expérience des autres blocs régionaux (notamment le Conseil de coopération du Golfe regroupant six pays arabes du Moyen-Orient et l'Union européenne) peut servir les Etats maghrébins dans leur quête d'intégration. A ce titre, M. Robert Van der Meulen, directeur à la Commission européenne, croit trouver la parade. Les cinq pays du Maghreb peuvent surmonter leur déficit de confiance mutuelle en calquant leur stratégie sur celle des Européens au tout début de leur processus d'intégration dans les années 50. L'édification de l'Union européenne, rappelle-t-il, a commencé modestement par des secteurs économiques déterminés comme le charbon et l'acier et «le démantèlement tarifaire progressif des échanges de ces produits dans l'espace européen n'a pas manqué d'insuffler la confiance mutuelle entre les différents Etats nationaux pour élargir l'intégration à d'autres domaines» pour faire de la fameuse Communauté économique européenne ce qu'elle est aujourd'hui. Autrement dit, les Maghrébins peuvent bien entamer leur processus d'intégration par le phosphate, le pétrole ou le textile. Une idée à creuser, en somme…