Un Maghreb économique peut-il préexister à un Maghreb politique ? Face à l'immobilisme et l'inanité des politiques, les économistes et les patrons maghrébins sont unanimes à jeter les bases d'une Union économique maghrébine. En somme, les hommes d'affaires maghrébins, réunis à Tunis les 11 et 12 du mois en cours, veulent un pastiche sur le modèle européen. Autrement dit, ils veulent installer une Communauté économique qui sera la matrice fondatrice d'un Maghreb des peuples, note-t-on. Si les «politiques» restent toujours attachés aux questions qui fâchent, les hommes d'affaires des pays du Maghreb recherchent, de leur côté, une stratégie pour mettre en synergie leurs efforts pour «une prospérité mutuelle». En fait, tout le monde est d'accord pour la mise en place, le plus rapidement possible, d'un marché maghrébin, avec un libre transfert de capitaux et de biens, sans entraves territoriales à l'instar du modèle européen. Un marché qui devrait compter quelque 80 millions de consommateurs. Création d'un fonds commun, relance de la Banque Maghrébine BMICE en septembre prochain, le tout boosté par la volonté commune des patrons de la région : voilà des avancées inédites qui pourraient mettre en place les postulats à une Union maghrébine économique sur le modèle européen. Au début, l'Europe se voulait une entité économique ; un espace commun d'où l'appellation Communauté économique européenne (CEE). Depuis le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer, la CEE a désormais un demi-siècle sans que les problèmes politiques soient définitivement aplanis. Les réticences de la Grande Bretagne narcissiques, le retour des peuples européens vers le concept de l'Etat nation, le «non» des Français, des Hollandais et des Irlandais, sont encore les vestiges ataviques d'une Europe divisée et belliqueuse. Dans cet ordre d'idées, les consignes du 2ème forum des hommes d'affaires du Maghreb, lancé à Tunis à la fin des travaux (10-11 mai 2010), sont claires : à l'unanimité, les opérateurs maghrébins des divers horizons ont appelé pressement pour trouver une stratégie idoine pour arriver à la création d'un marché commun. «Les pays du Maghreb peuvent investir d'autres modèles de croissance pour faire face au remodelage de l'économie mondiale», a estimé un participant. Un autre intervenant a aussi ponctué le rôle important des économistes et des patrons d'entreprises, afin d'incruster les idéaux de l'Union. Il dira : «Unis, (les pays du Maghreb) peuvent devenir et constituer un refuge pour les investisseurs et les opérateurs économiques». Et, «ensemble, ils peuvent partir à la conquête de leurs marchés, sur la base de complémentarités et de cohésions utiles», a-t-il encore relevé. En aparté, les patrons maghrébins, sollicitent «une harmonisation des réglementations sur les échanges commerciaux afin de dépasser les lenteurs et distorsions, de part et d'autre, et faciliter les prises de décisions, et créer des synergies», c'est en somme le constat qui se dégage de ce Forum. En attendant, les pays du Maghreb pataugent dans l'immobilisme et écrasés par la tyrannie du statu quo politique. A ce sujet, Hédi Djilani, Président du patronat tunisien déclare «qu'il est scandaleux que les échanges commerciaux entre les cinq pays du Maghreb se limitent aujourd'hui à 3%. Ceci est le résultat des mesures protectionnistes adoptées par les Gouvernements». Le même son de cloche émane de Réda Hamiani, Président du FCE qui s'est focalisé également sur «l'immobilisme politique qui entrave la prospérité des économies des pays du Maghreb». Quant au Premier ministre Tunisien, Mohamed Ghannouchi, il a affirmé explicitement que le «Non Maghreb» coûte cher à tous les pays de la région. Selon les experts, l'absence d'intégration économique du Maghreb équivaut à -2% de la croissance du produit intérieur brut (PIB) par an pour chacun des pays concernés, alors qu'avec l'UE, le commerce et les échanges de biens et services sont en pleine croissance, relève-t-on. L'intégration économique des pays maghrébins permet, selon les mêmes experts, d'accroître de 2% le taux de croissance du PIB et d'attirer près de 3 milliards de dollars d'investissements directs étrangers par an. Une manière de créer un nombre additionnel important d'emplois surtout que le nombre de chômeurs dépasse actuellement, dans la région maghrébine, les 3 millions de personnes (plus de 12% de la population active). L'Algérie fortement présente au Forum La Délégation algérienne composée d'une cinquantaine d'opérateurs algériens publics et privés, conduite par le Président de la Confédération algérienne du Patronat -CAP, ainsi que par Réda Hamiani, Président du FCE, ont assisté au 2ème Forum des hommes d'affaires maghrébins.