Débat n «L'alliance des civilisations comme élément de cohésion dans la culture méditerranéenne» était le thème débattu, hier samedi, par Gema Martin Munoz *. Inscrite dans «Alger, capitale de la culture arabe», cette rencontre, initiée par l'Institut Cervantès, s'emploie à remettre en question, à dénoncer ce qui est appelé unanimement le «choc des civilisations». «Ce concept est faux», a indiqué l'universitaire, ajoutant que le conflit opposant l'Orient à l'Occident implique d'autres facteurs que des agents relevant de l'ordre culturel ou religieux. «Les vraies raisons de cette tension trouvent leurs origines dans les réalités historiques, géographiques, économiques et politiques», a-t-elle expliqué. «Il n'y a jamais eu, a-t-elle soutenu, de choc des civilisations, puisque, de tout temps, et ce que nous prouve l'Histoire, les sociétés des deux bords ont réciproquement évolué et ont su entretenir des relations de dialogue et de partage grâce aux contacts et aux échanges.» Ainsi, l'idée d'«alliance des civilisations» naît pour s'opposer et, du coup, déjouer les intentions pernicieuses de la pensée de «choc des civilisations», une pensée simplificatrice des relations tendues entretenues conjointement par les Occidentaux et les musulmans et qui, selon la conférencière, est répandue et renforcée dans l'imaginaire collectif occidental. Et en vue d'annihiler cette représentation réductrice et erronée des rapports Orient-Occident, Gema Martin Munoz appelle au rapprochement et au dialogue. «Il faut ensemble travailler dans le domaine de l'éducation, de l'histoire et de la réflexion commune pour aboutir à des solutions collectives», a-t-elle souligné. «Il faut construire à la base d'une réflexion pragmatique une vision neuve.» Gema Martin Munoz propose alors un travail devant se faire de manière à recomposer la mémoire historique. C'est-à-dire, «il faut en finir avec les interprétations [de soi] ethnocentriques et, du coup, il ne faut pas se considérer comme étant [le seul] universel», a-t-elle suggéré. Et d'ajouter : «Il faut connaître l'histoire de l'autre et ne pas la ramener à sa propre histoire, car les expériences historiques, d'une société à l'autre, sont différentes», a-t-elle expliqué. Gema Martin Munoz suggère ainsi un meilleur rapprochement des sociétés. «Il faut communiquer», a-t-elle insisté. Et pour que la communication s'instaure dans un environnement favorable à sa réalisation et à son épanouissement, il est clair que les uns comme les autres aient mutuellement connaissance de leur langue et de leur culture. En fait, il faut aboutir à un langage commun et compréhensible, tenant compte de l'altérité de l'un comme de l'autre. Car l'absence de communication et la divergence de discours entraînent immanquablement une incompréhension qui, elle, conduit évidemment à une situation conflictuelle. Le dialogue s'enchaîne et se réalise aussitôt faite la connaissance de l'un comme de l'autre. Et pour assurer ce dialogue, Gema Martin Munoz a appelé à «agir d'une façon éducative, à faire un travail pédagogique en s'interrogeant sur l'autre», et à "»faire une réconciliation morale et historique avec l'autre». «Il faut agir avec un esprit scientifique», a-t-elle dit. Parce que cela «nous aide à prévenir contre le repli identitaire, le communautarisme ethnique et la discrimination culturelle», donc à réagir contre la haine qui «nous éloigne d'une manière inquiétante», a-t-elle conclu. * Gema Martin Munoz est docteur en philosophie arabe et musulmane, et professeur de sociologie du monde arabe et musulman à l'Université autonome de Madrid.