C'est à l'institut Cervantès que nous avons rencontré cette grande dame parlant de sa passion pour la poésie et les langues. Poétesse et traductrice, professeur de littérature à Alger et Paris VIII, Zineb Laouedj a publié plusieurs recueils de poésie dont Qui de nous déteste le soleil?, la Gardienne du soleil. Elle prépare aux éditions Espace libre, la sortie du Captif de Cervantès en trois langues : espagnole, arabe et française. L'Expression: Pouvez-vous nous parler de cette idée du livre le Captif de Cervantès? Zineb Laouedj:C'est un projet que j'avais envisagé avant l'anniversaire de la création de Don Quichotte qui date de 1605. J'en avais discuté avec le directeur de l'institut Cervantès qui, lui-même, avait le même projet. J'ai pensé publier le passage ou la nouvelle, le Captif qui fait partie du livre de Don Quichotte de Cervantès en arabe, en français et en espagnol pour parler de la pluralité des cultures et des langues en Algérie. Pour parler de la relation entre la langue espagnole et la langue arabe, comment Cervantès s'est imprégné de la culture arabo-musulmane qu'on voit de manière très claire dans ses oeuvres. Cervantès a été, pendant 5 ans, emprisonné en Algérie, au XVIe siècle. C'est un aventurier qui cherche l'aventure pour l'affronter. J'ai choisi aussi le Captif pour ce passage extraordinaire qui a trait à l'amour. C'est cette pluralité culturelle qui m'a impressionné. Concernant la langue, maintenant, vous qui êtes poète et traductrice, comment sentez-vous la langue espagnole, en particulier l'écriture de Cervantès dont on dit qu'il était un écrivain romantique. Comment cela se transfigure au niveau de la langue? La langue espagnole est très belle. Une langue de poésie, de beauté et de romantisme. Etant écrivain arabophone qui connaît cette langue, je vois beaucoup de similitude avec la langue arabe. On trouve beaucoup de mots, presque 40 ou 50% des mots arabes dans la langue espagnole. Il y a ce mariage des deux langues au niveau de l'écriture de Cervantès. Quand on lit la littérature espagnole en général et particulièrement la poésie - parce que je suis spécialiste en poésie - je me retrouve dans cet univers linguistique imaginaire, le romantique et le beau de la poésie espagnole. C'est dû aux emprunts de la langue ou à l'influence de la culture méditerranéenne? Un ensemble de choses : la culture méditerranéenne est tout à fait normale et aussi surtout cette relation charnelle entre la langue arabe et la langue espagnole. Comment se fait la transition quand vous traduisez? La traduction c'est aussi une passion, une manière d'écrire un texte d'une langue à une autre. Moi, je vis cette passion dans le sens du pluralisme culturel et la tolérance des langues. C'est peut-être lié aussi à notre situation en Algérie avec le terrorisme. J'ai commencé la traduction bien avant, mais cela m'a poussée peut-être plus parce que là où on va, la langue arabe est incriminée, tout comme la religion. Ceux qui ont une relation avec l'arabe fanatique, assassinent. Le travail de traduction je le fais dans le sens de la tolérance des langues pour montrer qu'on ne peut pas incriminer une langue, une religion. On incrimine les personnes qui utilisent les langues. On incrimine la charge qu'on donne à cette langue. On ne doit pas incriminer une langue ou une personne qui porte ou vit avec cette langue. Toutes les langues sont tolérantes tout comme on peut en faire matière de crime. On n'incrimine pas les langues mais les personnes qui les utilisent à des fins politiques. Pourquoi, d'après vous, on traduit très peu dans la langue arabe? C'est en Algérie qu'on traduit très peu dans la langue arabe. J'ai vécu 10 ans en Syrie, chaque année il y a une trentaine de livres qui paraissent et traduits en arabe dans tous les niveaux, en particulier en histoire, littérature, en culture en général. Tous les chefs-d'oeuvre internationaux je les ai vus en arabe en Syrie, que ce soit en français, en russe, en espagnol. Ils traduisent parce qu'il y a des institutions comme le ministère de la Culture qui prend en charge cela en Syrie et dans d'autres pays arabes notamment, les pays du Golfe. Des livres qui font partie de la mémoire universelle. Le problème se pose ici en Algérie. Quels sont les thèmes qui vous inspirent actuellement dans vos poésies? J'ai toujours été touchée par les problèmes sociaux que vivent au quotidien l'homme, la femme, l'enfant... J'écris sur la situation des femmes et des injustices envers elles, la situation des Algériens vis-à-vis du terrorisme et l'intolérance. J'écris ma douleur envers mon pays, pour des Algériens qui veulent vivre bien dans un monde nouveau.