Résumé de la 2e partie n Malgré sa naïveté, Kobler se sent menacé par le juge. Il risque la peine capitale. Cette nouvelle nuit, dans la prison de Karlsruhe, est pour Gustave une nuit d'enfer. Il sanglote, la tête enfouie dans ses bras, et le voilà soudain saisi par les chevilles et par les poignets. Ses trois codétenus le maintiennent solidement écartelé sur son grabat, visages penchés sur lui, grimaçants, vociférants : «Espèce de vieux salaud ! Tueur de petites filles ! Au lieu de pleurnicher, tu ferais mieux de nous raconter comment ça s'est passé ! Allez, bon sang ! Raconte ! Allez, parle !» Ils le pincent, le giflent, lui tordent les bras : «Allez ! Dis-nous ce que tu leur as fait, vieille ordure.» Cela pendant des heures, jusqu'à ce que, lassées de torturer un vieillard qui ne leur répond pas, les trois fripouilles s'endorment. Désormais, Gustave Kobler craint la vengeance de ses codétenus et n'ose se plaindre au gardien ; ils vont le torturer ainsi deux nuits encore. Le jour c'est l'interrogatoire, la nuit c'est la torture. Un matin, tout de même, Karl Heinz Drews, un vieux flic moustachu chargé de l'enquête, confronté avec lui dans le bureau du juge, remarque qu'il a du mal à s'asseoir. Quelques instants plus tard, montrant une ecchymose sur sa joue, il demande : «Qu'est-ce que vous avez là ?» Le vieux avouant enfin la vérité, le juge lui fait attribuer une cellule où il sera désormais seul. Quatrième jour : à tout bout de champ, Gustave Kobler demande : «Où est ma femme ? Je veux voir ma femme !» Il finit par s'étonner qu'à cette question, ni le juge, ni les policiers, ni les gardiens ne répondent jamais. Enfin, le neuvième jour, un geôlier ouvre la porte : «Une visite : c'est ta femme.» Il est déjà dans le parloir, le front appuyé contre le grillage, lorsqu'il voit entrer la lourde silhouette en manteau noir marchant à petits pas comme pour économiser ses forces. Il remarque le souffle court, la voix étouffée, lorsqu'elle murmure, si près qu'il sent la chaleur de son haleine : «Gustave, mon pauvre Gustave.» Comme il est incapable de parler, c'est elle qui monologue : «Je n'ai pas pu venir plus tôt parce que j'ai eu un malaise. Ne t'affole pas, un petit accident cardiaque de rien du tout. C'est fini. Un petit tour à l'hôpital et tu vois, je suis d'aplomb. Dès ma sortie, je ne suis pas restée les deux pieds dans le même sabot, tu penses bien. Hier, j'ai engagé un avocat. Et j'ai télégraphié à notre fils en Australie. — Qu'est-ce que tu lui as dit ? — Je ne lui ai pas donné de détails. Je lui ai simplement demandé de faire le voyage de toute urgence. Oui, tu as bien fait. Il vaut mieux qu'André soit là. Il pourra nous aider. Enfin, peut-être. — Mais sûrement, Gustave. Sûrement... Beaucoup de gens sont comme moi, tu sais. Ils croient dur comme fer à ton innocence. D'ailleurs, l'avocat m'a dit que dans quelques jours tu seras relâché. Il faut que tu tiennes le coup, Gustave. — Mais toi ? Ne t'inquiète pas pour moi. Tout va bien.» Bien sûr, elle ne dit pas la vérité. Elle ne dit pas qu'en rentrant chez elle elle s'effondrera en larmes. Elle ne parle pas des lettres anonymes qui s'accumulent dans la boîte aux lettres. (à suivre ...)