Sensation n Vertige est le titre de l'exposition qui se tient au Centre culturel français d'Alger. L'exposition regroupe une série de photographies de l'artiste Catherine Poncin. Ses créations ont pour thème la ville de Constantine : les gorges du Rummel. C'est un travail sur les paysages géologiques que l'artiste donne à voir par la photographie : de belles vues, admirables et sensationnelles ; des paysages vertigineux ; une sensation de vide, l'abîme, de l'infini qui nous interpelle, nous happe ; la rivière, insaisissable, avance lentement, impétueusement dans ce chemin sinueux, dédaléen ; elle se fraie obstinément, farouchement une voie dans un espace rocheux, minéral. La rivière, mystérieuse, indomptable, coule, s'écoule entre deux parois ; les falaises s'élèvent vertigineusement vers le sommet, l'apogée de l'existence comme des piliers d'un temple voué pleinement au culte de l'élément minéral. La rivière, glissante, fluide, sinueuse, humide, serpente sensuellement dans les gorges jusqu'aux profondeurs ; charnelle, elle les pénètre continuellement dans un bruissement lascif. La rivière s'exalte ; elle continue de se précipiter, de se déverser au travers des failles, des cavités, éclaboussant tantôt tendrement, tantôt fougueusement sur son passage les pierres, les roches, les parois. Elle déborde furieusement en crue violente, se fracasse violemment entre les parois nues, puis soudain s'évanouit au fond de la grotte pour y revenir plus tard, lors que le besoin, le désir se fait manifestement sentir, pour y recommencer le même rituel, le même parcours. Elle ne s'achève pas, n'achève pas de pénétrer dans un élan démesuré la roche, de la sculpter, de la mouiller, de la marquer de son empreinte voluptueuse. Par ailleurs, l'artiste, Catherine Poncin, associe, accole au paysage, leur conférant une connotation érotique, des silhouettes de femmes qu'un photographe constantinois à bien voulu lui confier ; des femmes sans visage, anonymes, apparaissant voilées, distantes, inaccessibles et qui, vite, nourries par l'imagination, le fantasme, deviennent «des nymphes au-dessus des entrailles nymphales de la ville, vigies des Eux Primordiales, formes féminines fantomales d'une statuaire antique imaginaire», dira Nourredine Saadi, avant d'ajouter : «On aimerait lever les voiles de ces visages secrètement scellés par la mémoire de la ville, de ces spectres penchés sur les abîmes au bord de la photographie dans une mise en abîme et leur donner un nom…» InfoSoir : Comment vous est venue l'idée de faire un travail sur Constantine ? Catherine Poncin : C'est à l'initiative du Centre culturel français de Constantine. J'étais présente lors de sa réouverture en mai 2005 où j'ai exposé «Palimpseste» sur le thème de Voltaire. Afin d'accomplir le travail portant sur Constantine, le CCF m'a invité à trois reprises dans le cadre de résidences d'artistes d'une dizaine de jours chacune. Elles se sont déroulées sur trois saisons distinctes et m'ont permis de me plonger au cœur de la ville, de sa population et de son inspiration. Parlez-nous du choix de votre sujet ? L'idée était donc de travailler sur la ville. J'ai réfléchi longuement sur l'objet de mon travail. Je me suis laissée emporter par ce que je voyais et sentais. Je me suis fait en abîme et, intuitivement, j'ai trouvé le thème que je devais développer. Il a été ainsi trouvé en réaction à la sensation de vertiges que l'environnement de la ville m'a procurée. J'ai donc commencé à travailler sur le paysage, les gorges et la rivière. Une sensation de vertige... En effet. J'ai eu une sensation de vertige, une perte d'équilibre. C'est un vertige amoureux qui m'a saisie et emportée. C'est aussi un vertige sensationnel. D'où d'ailleurs le titre de l'exposition. On remarque que vous associez aux paysages des femmes ... J'ai accolé des femmes voilées aux paysages. J'ai mis les uns en parallèle avec les autres parce que j'ai pu remarquer un lien entre les deux situations. Il y a un lien intime entre eux. C'est-à-dire ? La sensualité des paysages est contenue dans le corps de ces femmes qui, elles, sont emmenées dans cette faille [géologique, minérale]. Je présente ces corps comme une vie.