Histoire n Une projection privée du long-métrage de Jean-Pierre Lledo a eu lieu, vendredi, à la maison d'édition Lambda, à Hydra. Le film, un documentaire long de trois heures, s'ouvre d'emblée sur l'indépendance de l'Algérie. C'est aussi le départ précipité, l'exode massif des pied-noirs. Plus de quarante ans après, le réalisateur, Jean-Pierre Lledo, cherche à comprendre les raisons de cette rupture – une tragédie historique. «Le film traite de la mémoire», a dit le réalisateur, avant de préciser : «je ne suis pas historien.» Et d'ajouter : «la question de la mémoire m'intéresse», car elle permet de dépister les vérités et, du coup, de comprendre, selon lui, les réalités du présent. Le réalisateur met en scène trois personnages. Aziz, Katiba et Hamid reviennent sur leur passé. Ils évoquent avec nostalgie les lieux de leur enfance. Ils racontent leurs rapports de bon voisinage avec l'autre, le pied-noir, chrétien ou juif, d'origine française ou espagnole. Ces trois personnages, à Skikda, à Alger ou à Constantine, vont d'une rencontre à l'autre, d'un témoignage à l'autre. Des personnes rencontrées évoquent les «bons rapports avec les pieds-noirs», et nombreux sont ceux qui, parmi eux, ont soutenu la cause algérienne. Ils se disaient Algériens. Il se trouve, toutefois, que ces Français, chrétiens ou juifs, eux aussi Algériens, sont absents de la mémoire collective algérienne. D'où la question : pourquoi ? Quant au quatrième personnage, Kheïredine, un jeune Oranais, il va, lui, à la rencontre de l'ancienne génération, de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu en bon voisinage avec les pieds-noirs. Tous disent qu'il existait, malgré le conflit armé, une entente entre musulmans, chrétiens et juifs, entre algériens et européens (espagnols). «On vivait bien ensemble, on était heureux», dit un témoin. «On a pleuré leur départ», dit un autre. Mais tous s'accordent à dire que «l'OAS a rompu les liens entre algériens et pieds-noirs. «Cela revient à dire que si la France n'avait pas joué l'ultime carte, celle de l'OAS, les pieds-noirs seraient restés en Algérie et seraient devenus algériens», ont-ils dit. L'histoire aurait alors pris une autre tournure et il y aurait eu moins de déchirements. Les témoignages recueillis, çà et là, font état d'une cohabitation entre les trois communautés. Ce n'était certes pas une cohésion sociale, mais une coexistence humaine. En dépit des inégalités sociales, chacune des communautés a pu transcender les préjugés ethniques, les différences religieuses et les clivages culturels.