Incohérence n Nombreuses sont les distorsions institutionnelles et sociales qui sont relevées par les spécialistes ayant écouté cette catégorie et qui se sont fait l'écho du drame qu'elle vit. Ces anomalies qui commencent déjà au cœur de la cellule familiale puis dans la structure sociale et institutionnelle relèvent directement du déni de la réalité des mères célibataires, puisque leur existence est occultée tout comme la réalité des relations sexuelles hors mariage. C'est à partir de là que commencent les censures, affirme le Dr Malika Amrouche, membre du Réseau Wassila, comme cela est illustré par le cas de cette jeune femme de 27 ans qui attend de se marier pour adopter son propre enfant, entre-temps elle confie sa garde à une nourrice pour avoir un droit de regard sur lui. Une conduite qui peut avoir pour conséquences, poursuit le Dr Amrouche qui a eu à analyser les cas reçus au cours des permanences, une perte des repères identitaires et de l'ordre dans les relations familiales. «Ces enfants seront élevés et grandiront dans le non-dit et le mensonge c'est un mauvais départ pour une personne en pleine construction.» Si parfois la mère accepte de soutenir sa fille, les hommes de la famille, eux, sont tenus à l'écart. Tout est fait pour qu'ils ne se rendent compte de rien. Les pères biologiques, quant à eux, bien décidés à être démissionnaires, poursuivent leur vie dans la quiétude étant soutenus par la société. Ils sont d'emblée mis hors circuit, déresponsabilisés et nullement dérangés. «Ce sont les traditions culturelles qui perpétuent l'exclusion sociale et la discrimination», explique notre interlocutrice. Elle citera à cet effet l'exemple de cet homme qui a deux enfants, le premier étant né hors mariage est totalement nié, contrairement au deuxième né après l'officialisation de la relation entre le père et la mère. «Reconnaître le premier est une preuve de plus qu'il a transgressé les lois de la société et tant pis si l'avenir de l'enfant est sacrifié.» Si le plus souvent les mères sont dans l'acceptation de partager le secret avec leurs filles, elles sont, également, celles qui véhiculent un autre type d'anomalies. Telle cette mère médecin pourtant, qui, au lieu de tenter une action en justice contre le père biologique, préfère préserver la cohésion sociale de la communauté car ce dernier n'est autre que son propre neveu. «C'est dire la primauté accordée à la communauté alors que la protection des enfants passe au deuxième plan», déplore le Dr Amrouche. Mais les distorsions proviennent des futures mères aussi. Certaines n'hésitent pas à mettre leur propre vie en danger puisqu'elles ne s'autorisent même pas une assistance médicale. ? l'hôpital, elles sont nombreuses à vouloir partir aussitôt accouchées car elles ne peuvent s'absenter, insistent-elles, plus d'une nuit de la maison familiale. Cette grossesse dissimulée pousse d'autres à des privations alimentaires allant jusqu'à l'anorexie. Il s'agit d'un «déni autodirigé et l'on voit à quel point est intériorisé l'interdit de la transgression», ajoute notre médecin. D'autres dénis sont, relève-t-elle, indiqués à plus d'une échelle et l'exemple vécu dans la région de Ghardaïa où un FEA (foyer d'enfants assistés) n'a pu ouvrir ses portes, car l'influence du comité des sages de la ville est si forte qu'elle a rendu impossible le placement et la prise en charge spécifique des nourrissons en déperdition et dans des conditions de long séjour en milieu hospitalier. Il ne s'agit pas de la seule anomalie institutionnelle. Nous avons également à noter le cas de ces intervenants en milieu hospitalier qui à la naissance acculent la mère et la poussent à l'abandon dans les 48h qui suivent l'accouchement sans lui fournir toutes les informations de la procédure en vigueur et dans la totale méconnaissance de ses droits.