Résumé de la 1re partie n Judith veut avoir son indépendance. Elle veut quitter sa province pour Montpellier. Son père s'y oppose… Judith ne peut s'empêcher de frémir. Même si ces miliciens se sont rendus coupables de crimes envers leurs compatriotes, elle ne peut retenir un frisson en regardant ces instantanés d'hommes qui meurent en proie à la terreur. Quelle saloperie, la guerre ! Mais, après tout, ils ont sans doute mérité leur sort... «Tiens, c'est dommage. Ce petit blond n'avait pas l'air bien méchant. Il était plutôt mignon. Je crois qu'il m'aurait assez plu. Bah, maintenant, il est mort et enterré.» Judith referme le magazine. Allongée sur son lit, elle ne peut détacher son esprit de l'image du supplicié : «Comment pouvait-il s'appeler ? Après tout, peut-être n'a-t-il rien fait de terrible. Juste le fait de s'être engagé dans la milice. Peut-être pour profiter de quelques avantages. Pour mieux nourrir ses parents, ses frères, ses sœurs...» L'esprit de Judith vole, à des centaines de kilomètres de là, vers ce beau milicien inconnu qui est mort à présent. Elle rêve. Elle ouvre à nouveau la revue et regarde une fois encore le visage du beau Hongrois blond. On voit qu'il avait les yeux clairs. Des yeux qui reflètent autant d'innocence que de terreur. Et, soudain, Judith prend une décision : «Je vais faire une petite prière pour ce milicien.» Elle est incapable d'expliquer cette idée qui vient de germer dans son esprit. Une prière ? L'éducation intensive des sœurs de l'Assomption l'a bien dégoûtée de la pratique religieuse. Les messes à répétition, les saluts, les vêpres et tout l'appareil de la religion catholique l'ont éloignée de toute pratique. Elle a trop souffert, trop souvent surpris les sœurs en flagrant délit de mesquinerie, de méchanceté, d'étroitesse d'esprit. Judith, à l'âge de la révolte, a décidé d'envoyer son missel par-dessus les moulins. Alors pourquoi, aujourd'hui, se dit-elle : «Je vais faire une petite prière pour ce milicien ?» Voilà Judith à genoux au pied de son lit. Elle fixe le crucifix qui orne le mur de sa chambre. Un crucifix depuis longtemps dépourvu de sens : — Notre Père qui êtes aux cieux... Après le «Notre-Père», Judith enchaîne sur un «Je vous salue, Marie». Et, dans un élan de ferveur étonnant, elle continue. Neuf «Je vous salue Marie» à la queue leu leu. Judith comme dans un rêve s'entend dire : — Vierge Marie, faites que ce milicien hongrois ait survécu à son exécution... Un fantasme de jeune fille frustrée par l'absence de son amant... A priori, ce ne sont pas les conditions les plus favorables à la réalisation d'un vœu insensé. Bien sûr, on dit que le temps n'est pas vraiment ce qu'on croit. On prétend qu'il serait possible d'aller voir plus loin dans l'avenir. Ou de remonter dans le passé. Les notions de Judith quant à la relativité espace-temps sont plutôt floues. C'est une littéraire et absolument pas une scientifique. Judith, dont les genoux commencent à devenir douloureux, prend une décision qui n'engage qu'elle-même : — Je vais faire une neuvaine de prières pour le beau milicien blond. Elle est à l'âge où les jeunes filles croient qu'un beau garçon ne peut être qu'un ange. Pour elle, les criminels doivent toujours avoir la tête de l'emploi... Elle est complètement désintéressée. Le milicien hongrois est anonyme. Jamais elle n'aura la moindre chance d'en savoir davantage sur ce garçon qui, de toutes les manières, est déjà mort et enterré depuis une semaine au minimum... Alors, pourquoi prier pour lui ? Car Judith ne prie pas pour le repos de l'âme du lointain Magyar. Non, bizarrement, elle prie pour que ce mort soit toujours vivant. On comprend pourquoi le père de Judith se demande parfois si sa fille unique n'est pas un peu folle (à suivre...)