Images n On goûte le soleil à la plage, les chefs du Hamas prêchent dans les mosquées et le Fatah les accuse d'instaurer un ordre islamique, deux mois après leur coup de force armé. On est un vendredi, le front de mer est noir de monde. On s'entasse sur des serviettes par famille entière. Les plus aisés louent une table, des chaises et un parasol, d'autres des tentes pour se cacher des regards indiscrets. Dans les nuages de fumée de narguilés, les enfants jouent au ballon ou au cerf-volant alors que des vendeurs ambulants passent à travers la foule, pour qui la Méditerranée est le seul refuge dans un territoire bouclé et pauvre. Depuis que les islamistes du Hamas ont pris le pouvoir, le 15 juin, le calme est revenu ici. Finis les combats entre le Hamas et Fatah. Les voitures s'arrêtent même aux feux rouges et les ordures sont ramassées. La Force exécutive, la police du Hamas, fait régner l'ordre dans les rues : elle affirme avoir mis en prison 90% des trafiquants de drogue et se vante de la baisse du nombre de vols de voitures depuis deux mois. Marwan, 40 ans, ouvrier dans une fabrique de vêtements au chômage, s'en félicite. «Depuis le coup d'Etat, il n'y a plus de tirs dans les rues. La sécurité est revenue, c'est une réussite», dit-il en se relaxant sur la plage Al-Aqsa, où les partisans du Hamas se baignent surveillés par un jeune maître-nageur barbu. Il y a encore deux mois, ce complexe de studios avec piscine privée du front de mer, appartenait aux caciques du Fatah et était considéré par les islamistes comme un lieu de perdition. Après le passage de pillards qui ont tout dérobé, le Hamas l'a «restitué au peuple». Plus loin, des hommes jouent aux cartes, attablés à l'ombre d'une grande tente. «Gaza était un corps malade qui devait être soigné», lance l'un d'entre eux. Si certains habitants, propriétaires de restaurants et d'hôtels se réjouissent de la fin du chaos sécuritaire, le règne du Hamas dans la bande de Gaza cache de grandes zones d'ombre. L'économie ne cesse de s'effondrer en raison du bouclage du territoire par Israël tandis que les islamistes sont accusés de vouloir purger la société des éléments du Fatah et d'instaurer un ordre islamique. Les radios et les télévisions de l'Autorité palestinienne ou proches du Fatah ont été fermées. La justice ne fonctionne plus. «Dans toutes les administrations, ils écartent les Fathawi (les membres du parti Fatah) et les remplacent par des Hamsawi (du Hamas)», assure le Dr Joumaa al-Saqqa, ancien directeur de relations publiques de l'hôpital Chiffa, le plus grand du territoire. Ce médecin est encore sous le choc. Jeudi, il a été évincé de son poste puis arrêté en pleine nuit par la Force exécutive. «A l'hôpital, le directeur général, moi, et les chefs des services de chirurgie et de gastro-entérologie avons été remplacés», explique le Dr Saqqa, dans sa maison du centre ville. Il a clairement affirmé dans une lettre qu'il ne reconnaissait pas la légitimité du gouvernement islamiste à Gaza mais répondait aux directives du cabinet de Salam Fayyad, basé à Ramallah (Cisjordanie). «ça les a rendus fous». «Ils m'ont dit : si tu retournes à l'hôpital, il se peut qu'une balle perdue vienne se loger dans ta tête», assure l'homme, qui reste maintenant chez lui. Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre démis par l'Autorité palestinienne, balaye d'un revers de la main ces accusations. En ce vendredi, jour de prière, il est venu prêcher à la Grande mosquée de Khan Younès (sud) devant des centaines de fidèles.