Favori n Le Parlement turc va élire, selon toute vraisemblance, le 28 août, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, au poste de président de la République. M. Gül, dont les milieux attachés à la laïcité redoutent qu'il ne s'attaque une fois président à ce principe fondateur de la République turque, n'est pas parvenu à réunir la majorité qualifiée des deux tiers des voix, soit 367 votes, requise aux deux premiers tours de l'élection. Mais le troisième tour, mardi, devrait être le bon : il n'y est requis que la majorité absolue, soit 276 voix, or le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) de M. Gül dispose de 340 sièges depuis sa large victoire aux législatives anticipées le 22 juillet. Ces élections avaient été convoquées pour sortir d'une grave crise politique née d'une première candidature de M. Gül à la magistrature suprême, qui avait poussé au printemps des millions de Turcs à manifester en faveur de la laïcité et avait culminé avec une menace d'intervention de l'armée. Le boycottage décrété par les partis d'opposition avait bloqué la présidentielle, l'AKP ne pouvant réunir le quorum nécessaire. L'AKP dément vouloir remettre en cause la laïcité et M. Gül a promis à plusieurs reprises de défendre le principe de la séparation de l'Etat et de la religion. Il a également assuré qu'il serait un président impartial, au service de tous les citoyens. Ses détracteurs restent sceptiques, estimant qu'un homme qui a brocardé l'occidentalisation de la Turquie et dont l'épouse porte le voile islamique, perçu par les tenants de la laïcité comme un symbole de l'islam politique, ne peut représenter la République. «Désormais, personne ne peut parler d'Etat laïque. Le plan des islamistes pour faire une contre-révolution se déroule sans accrocs», a écrit l'éditorialiste Bekir Coskun, du quotidien à grand tirage Hürriyet. «Le voile va représenter l'Etat. M. Gül n'est pas mon président», a-t-il ajouté, s'attirant les foudres du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a suggéré au journaliste de tirer les conséquences de ses propos et de renoncer à sa citoyenneté. De nombreux observateurs voient dans l'accession de M. Gül à la présidence une victoire historique de la démocratie face à l'armée qui, en une soixantaine d'années de multipartisme, a provoqué la chute de quatre gouvernements. «L'élection présidentielle constitue un tournant historique pour la démocratie turque. Elle va montrer que des hommes politiques responsables et autorisés vont prendre des décisions politiques en dépit de toutes sortes de pressions et de diktats», pense l'analyste politique Ali Bayramoglu, commentateur du quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak. Dans sa campagne électorale, l'AKP a promis une nouvelle Constitution plus libérale, qui limitera le rôle de l'armée en tant que gardienne du régime en place.