Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a annoncé, hier, qu'il était le candidat du parti issu de la mouvance islamiste au pouvoir à la présidence de la République, une décision qui risque de déclencher de nouveaux remous dans la vie politique du pays. Fort de son succès électoral, le Parti de la justice et du développement (AKP) du Premier ministre Receper Tayyip Ergographe a choisi, lundi lors d'une réunion de ses instances dirigeantes, de maintenir la candidature de M. Gül à l'élection présidentielle prévue fin août, ont indiqué des responsables du parti. L'AKP, qui a remporté haut la main les législatives du 22 juillet, a choisi ainsi de défier les milieux laïcs et l'armée qui s'étaient opposés au printemps à la montée à la présidence d'une figure politique ayant fait ses classes dans les rangs islamistes, provoquant une grave crise institutionnelle. “Après des consultations, j'ai vu que ma candidature à la présidence de la République est appuyée par mes collègues” à l'AKP, a publiquement confirmé hier Abdallah Gül devant les journalistes. M. Gül s'exprimait au terme d'un entretien avec le chef du parti d'opposition MHP (Parti de l'action nationaliste), Devlet Bahçeli, pour tenter d'obtenir son soutien au scrutin au Parlement prévu à la fin du mois. “Je leur ai expliqué comment je vais agir si je suis élu président par le Parlement”, a souligné M. Gül. Il a souligné qu'il avait prévu de rencontrer les autres chefs de partis représentés à l'Assemblée avant d'organiser une conférence de presse dont il n'a pas précisé la date. L'AKP est certain d'élire son candidat lors du scrutin qui débutera le 20 août. Pour rappel, la Turquie a été plongée en avril-mai dans une grave crise politique à la suite du boycott de l'élection présidentielle par l'opposition parlementaire, qui a entraîné l'annulation du scrutin faute de quorum. L'opposition avait boycotté l'élection pour empêcher l'accession à la présidence de M. Gül ainsi qu'une mainmise sur les institutions de l'AKP, qu'elle accuse de vouloir islamiser la société. Des millions de Turcs étaient descendus dans la rue pour affirmer leur attachement à la laïcité. Les détracteurs de M. Gül l'accusent de vouloir affaiblir les principes laïques dans un pays officiellement à 99% musulman. La crise avait culminé avec la publication par l'armée d'un communiqué menaçant d'une intervention en cas de non-respect de la laïcité par le gouvernement. L'annulation du scrutin présidentiel a contraint M. Erdogan à convoquer des élections anticipées. La question du voile que porte son épouse divise la société turque. De nombreux laïcs turcs s'étaient élevés contre la perspective de voir une première dame voilée. “Le voile est sur le point d'accéder au palais présidentiel”, lançait ainsi le journal d'opposition laïque Cumhuriyet tandis que le journal Vatan appelait à la démocratie en titrant : “La moitié du peuple a approuvé la présidence de Gül et l'autre moitié doit respecter cela”, en référence aux 46,5% de suffrages obtenus par l'AKP aux élections. L'armée a redit, le 30 juillet, qu'elle voulait que le prochain président, élu pour un septennat unique, soit loyal aux valeurs républicaines et à la laïcité. R. I./Agences