Situation n «De graves dérives ont vidé le CRA de sa démarche philosophique et de sa substance organique pour en faire un moyen au service de privilégiés», regrettait Djamel Ould Abbas dans son discours inaugural. Réaction immédiate : «Nous avons décidé d'opérer un toilettage de manière à rendre au Croissant-Rouge sa crédibilité et à assainir son patrimoine», a-t-il martelé, sous un tonnerre d'applaudissements. Le toilettage commence en janvier 2005. Les pouvoirs publics, sous la férule du ministère de l'Intérieur, mettent en place un comité de direction provisoire du CRA. «La gabegie qui était installée insolemment dans l'organisation» a contraint l'Etat à agir. Interpellée, la justice mandate la police économique pour mener une enquête approfondie. Des anomalies, type détournements, dilapidation de deniers publics, abus de biens sociaux, sont mis au jour. La notoriété du Croissant-Rouge algérien, un réseau fort de 25 000 volontaires créé en 1956 au plus fort de la lutte de Libération nationale, est durement entamée. Des hauts cadres, censés verser dans le bénévolat, sont accusés de malversations. Pris en flagrant délit, ils sont immédiatement arrêtés. Pendant deux ans, de vastes opérations d'assainissement sont entamées, non sans que l'autonomie du CRA en prenne un coup, avec parfois des violations des statuts même de l'organisation. Sur ce point-ci, outre les «interférences du ministère» – comme l'exclusion maquillée de Djemaï Nebbache, le délégué de Bordj Bou-Arréridj, de la présidence du CRA – il y a lieu de souligner «l'intrusion» acceptée des organismes onusiens, tel le CICR, le PAM, le HCR, le PNUD, l'OMS et autre Unicef, tous ayant, il faut le reconnaître, l'étiquette d'observateurs. Plus explicite par rapport à ce qui paraît être une ingérence dans l'autonomie du CRA, Ould Abbas fera d'ailleurs préciser que le CRA ne pourra jamais devenir une «République autonome» sans définir pour autant les délimitations entre une «organisation non gouvernementale» et «une organisation auxiliaire des pouvoirs publics». Dans cet embrouillamini, le ministre brandit enfin l'épée de Damoclès : «C'est nous qui donnons de l'argent et nous voudrions bien savoir où il va.» Enfin pour connaître la traçabilité de cet argent et pour une gestion plus rigoureuse des affaires du CRA, ce dernier aura un conseil d'administration de quinze membres, tous issus du Conseil national ainsi que sept partenaires directs que sont les ministères de la Défense, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de la Solidarité nationale, du Travail, des Finances et de la Santé. L'autre fait marquant, reste incontestablement l'adoption des nouveaux statuts qui consacrent la séparation de la gouvernance et de la gestion. En effet, si cinq instances seront désormais chargées de la gouvernance du CRA (assemblée générale, président, conseil national, conseil d'administration et comité directeur), la gestion, sera dorénavant du ressort du secrétaire général.