Visite De Djamaâ El-Kebir, Bahia et Omar décident de se rendre au mausolée de Sidi Boumediene à pied. Tout en marchant, elle essaie de deviner les pensées secrètes de Omar. «Nous devons nous soumettre à la volonté de Dieu», lui avait-il dit la veille. «Jusqu?à quand va-t-il accepter de rester sans enfants ? Pourra-t-il résister à sa mère, si elle décide de le remarier ?» Cette seule pensée remplit Bahia d?effroi. Ils marchent le long des rues étroites, pauvres en apparence, mais qui regorgent dans leurs boutiques profondes de véritables trésors fabriqués par des maîtres artisans, brodeurs, maroquiniers, bijoutiers, dinandiers, ébénistes, fabricants de tapis? De temps à autre, Omar tourne la tête, l??il attiré par un fauteuil de bois finement travaillé, ou un plateau de cuivre ciselé, brillant dans une vitrine. D?un pas de promenade, le couple sort de la ville, longe les oliveraies, marchant au bord de la route, où passe de temps à autre une automobile ou une charrette tirée par une mule? Les vergers succèdent aux champs d?oliviers et le soleil est haut dans le ciel. Parfois, des enfants pressés, le cartable à la main, les dépassent, se rendant à l?école d?El-Eulbab. Bahia et Omar, en entrant dans la cour du mausolée, entourée de colonnes de marbre et d?onyx, sont soudain silencieux. Ils s?approchent du puits à la margelle usée par des générations de pèlerins. Une femme d?un âge certain, vêtue d?un kaftan gris, la tête ceinte d?un foulard brodé de «ftouls» qui retombent sur son front, s?approche d?eux et, sans rien dire, saisit le petit seau de cuivre qui repose sur le bord du puits et remonte une eau claire, qu?elle offre à Bahia. Cette dernière s?abreuve et tend le seau à son mari qui en fait autant. «Incha Allah baraka !», murmure la femme. Puis, elle leur fait signe de la suivre, et les mène dans la pièce du saint, sombre et mystérieuse. Des cierges sont allumés autour du tabout ; des tentures brodées recouvrent les murs. La majesté du lieu incite au silence et à la contemplation. Bahia pose la main sur le tapis qui recouvre la tombe et murmure des prières, demandant à Dieu d?accéder à son désir le plus cher. «Sidi Boumediene, prie-t-elle, demande à Dieu avec moi d?ouvrir ma ceinture, tu es pur et saint !» Son mari reste à l?écart, immobile, impressionné, lui aussi, par la majesté du lieu? (à suivre...)