Il y a donc péril en la demeure : le mufti, chargé du prêche officiel du vendredi, a été mobilisé pour haranguer, à travers la télévision, les fidèles et les téléspectateurs sur cette grève des enseignants. Il s?est abstenu de mettre carrément sur le banc des accusés les professeurs qui paralysent les lycées depuis maintenant huit semaines. Bien au contraire, l?homme de religion, très à l?aise dans cette incursion dans le monde difficile de la politique et du social, a rendu un vibrant hommage à la noble mission de ceux auxquels sont confiés le devenir et l?avenir des enfants. «Vos revendications sont légitimes, mais vous n?avez pas le droit, dans un comportement égoïste, de vous jouer, d?une manière si désinvolte, du sort des élèves», a-t-il affirmé avec force. Le cheikh a tout dit et avec le ton pathétique qui sied à ce genre de pressant appel à la raison et à la sagesse. Il a dit que les enfants sont déjà les seuls perdants de ce mouvement de protestation, il a ajouté que «tout est négociable», que l?année scolaire ne doit pas être définitivement compromise, avec tous les dégâts irréparables que cela peut déclencher. Mais voilà, le cheikh n?a pas été écouté et le pouvoir a utilisé la «carte du prêche» pour rien. Les professeurs grévistes, par le biais de leurs organisations, campent sur leurs positions et les autorités n?auront qu?à mettre leurs menaces à exécution, puisque c?est ce matin que l?ultimatum du gouvernement a pris fin. Ce n?est pas aussi simple. Remplacer au pied levé plus de 60 000 professeurs ne sera pas une formalité. Du côté des grévistes, faire perdurer un mouvement risque fort de leur faire perdre ? si ce n?est déjà fait ? le capital sympathie amassé au début de leur action. La colère gronde au sein des parents d?élèves. La morosité touche de plein fouet la classe des lycéens. Alors ? Il faut que l?impasse soit évitée. Il faut, d?une manière ou d?une autre, que cesse la paralysie des lycées, paralysie dont plus personne ne pourrait contrôler les dangereuses retombées si elle venait à s?accentuer. Quitte à faire payer tous ceux ?et ils se situent à tous les niveaux et de part et d?autre? qui ont poussé la situation vers le pourrissement.