Contrôle n Trente jours durant, les gars de la DCP, «la criminelle» des produits alimentaires avariés, ont vraiment eu du pain sur la planche. Les sorties des contrôleurs se suivent et se ressemblent avec leurs moissons de produits avariés ou périmés. Ramadan, mois de piété et de rahma, devait démontrer à celui qui ne le savait pas où à celui qui en doutait encore, qu'on ne peut être commerçant rien qu'en ayant un registre du commerce. Peu de jours avant, la pomme de terre rendait malade et ses séquelles sont toujours vivaces. Echapper au fisc, faire avaler des couleuvres au client, se reconvertir en vendeur de zlabias et de kalbelouz – ces sucreries qui côtoient des plaquettes de frein ou des chemises piston dans l'arrière-boutique –, ne pas se soucier des règles élémentaires d'hygiène, saupoudrer des mets périmés de colorants, sont autant de ruses et de tactiques pour vendre parfois du poison au pauvre citoyen. Le tout pour dépenser moins et gagner plus, investir peu et amasser des fortunes, comme si le ramadan, dans sa baraka et sa mansuétude légendaires, était fait pour ramasser le jackpot, quitte à tromper son voisin, qu'on appelle pompeusement «Si Mohamed». Il ne se passe pas un jour en effet, sans que l'on soit informé par la presse de la saisie de grosses quantités de produits alimentaires périmés que les propriétaires véreux et animés par la seule envie, durant ce mois censé pourtant être celui de la rahma, allaient écouler, comme tous ont appris à le faire, sur un marché difficile à contrôler, où la consommation bat son plein et où les Algériens, dans de larges proportions, achètent à tire-larigot, il est vrai, agressés, dans leur jeûne par les odeurs alléchantes d'aliments qui chatouillent les narines et qui excitent les appétits avant le très attendu adhan du maghreb. Durant un mois marqué du sceau de la frénésie des achats, et des fournées de «matlou'e skhoun», des tonnes de volailles impropres à la consommation par la faute d'une chaîne de froid rompue, des centaines de tonnes de pommes de terre saisies pour avoir mal été conditionnées (900 tonnes selon les chiffres du ministère du Commerce), presque autant ou plus de viandes rouges saisies in extremis juste avant d'atterrir dans les réfrigérateurs avec le risque réel d'intoxications alimentaires et parfois d'occlusion intestinale du consommateur, sans compter évidemment les sempiternelles problèmes d'absence de facturation, d'estampillage et de règles élémentaires d'hygiène, qui toutes réunies, constituent une plateforme de choix pour une mafia qui sort ses tentacules, jetant l'émoi au sein même d'une population qui ne sait plus à quel saint se vouer. Et pourtant ! Déjà laminées par un pouvoir d'achat en éternelle érosion, de larges couches de la société algérienne doivent redoubler d'ingéniosité, d'astuces et de tactiques porteuses pour ne pas se laisser prendre dans les griffes acérées de la spéculation. Le prêt sur gage devient la panacée, quitte à s'endetter jusqu'au cou. Pour un temps, des milliers de foyers ont tronqué parures contre une bonne liasse de mille dinars et cela étant plus qu'indispensable surtout que le mois de toutes les dépenses a, hasard du calendrier, coïncidé avec une rentrée scolaire tout aussi coûteuse, tout aussi étouffante et qui s'achève par un grand pèlerinage forcé vers les mille et une friperies, à la veille de l'Aïd.