Pragmatisme n Un nombre important de citoyens opte pour le transport clandestin de voyageurs, le transport de marchandises, la location (clandestine) du véhicule…, et ce, afin d'amasser la somme nécessaire à verser à la banque chaque fin de mois ! Ali est enseignant dans un lycée à El-Biar. Comme son salaire ne lui permet pas de posséder une voiture, il a postulé pour la formule crédit-auto. «La somme exigée comme apport personnel (35 millions de centimes), je l'ai épargnée durant près de dix années de travail. Et maintenant, après avoir acquis cette voiture, je suis obligé de verser un million de centimes par mois. Je suis responsable d'une famille de six membres, ma femme est malade, ce qui m'oblige à recourir au système D pour pouvoir honorer mes engagements aussi bien vis-à-vis de la banque que de ma famille», nous dira Ali. Il avait cru tout d'abord qu'il avait affaire à un policier qui l'interrogeait sur sa transgression de la loi. Il était, en effet, en train de proposer ses services aux voyageurs qui attendaient les bus de transport public à la place de la Côte (Birkhadem). «Comment puis-je arrondir mes fins de mois sans recourir à ces pratiques frauduleuses vis-à-vis de la loi ? C'est d'ailleurs ce que je fais chaque fin de journée et durant les week-ends et parfois ça rapporte gros», lance notre enseignant. Il n'est certainement pas le seul à se débrouiller comme il peut afin de «faire face au lourd fardeau de la vie». Pour le moment, Ali a trouvé son compte. «Je m'acquitte en partie de ma dette chaque fin de mois et parfois je gagne même de quoi faire face à d'autres frais», se félicite notre interlocuteur. Mourad, un fonctionnaire dans une APC à Alger, opte pour une autre «stratégie plus rentable» selon ses dires. Il propose sa nouvelle voiture à la location par le biais de ses connaissances à des prix «défiant toute concurrence». Ce jeune célibataire de 35 ans a, depuis quelques mois, tissé des liens avec des personnes obéissant au principe de carpe diem et qui sont toujours prêtes à se payer le prestige quitte à casser leur tirelire. «Mes clients sont principalement des jeunes amateurs de voyage et de dolce vita. Ma seule condition est que le client soit un bon conducteur et je ne demande aucune garantie», dit-il. Les clients de Mourad font partie de cette large frange de citoyens incapables, pour certaines raisons qui leur sont propres, de s'assurer la somme exigée par les banques comme apport personnel pour être éligibles au crédit-auto. Le pragmatisme d'une bonne partie des citoyens ayant recouru à cette formule pour s'offrir un véhicule, ne s'arrête pas là. Certains utilisent ces véhicules dans d'autres activités comme le transport de marchandises, le déplacement, pour ceux qui se sont reconvertis en commerçants occasionnels, vers différentes localités pour écouler leur propre marchandise… En somme, tous les moyens sont bons, pourvu que ça continue de rouler.