C'est ainsi que l'histoire des naufragés du «Banel» est devenue une légende. Elle va même se mêler, dans la conscience des habitants, à des légendes plus anciennes, car en rapport avec la fondation de la tribu. Ainsi, autrefois, l'ancêtre éponyme des Banû Haoua, que l'on appelle Lalla Haoua, est arrivée dans la région en compagnie de ses filles. C'est cette femme, appelée également Yemma Binet «la mère des filles» qui serait à l'origine des Béni Haoua. C'est là une légende que l'on retrouve un peu partout au Maghreb, pour justifier la fondation de tribu, en commençant par Tine Hinan, l'ancêtre des touareg. Le «Banel» n'a été qu'un prétexte pour actualiser un mythe plus ancien. Il est certain que la littérature coloniale a beaucoup utilisé ce thème pour l'apologie à la civilisation occidentale : c'est par leurs bienfaits que ces religieuses ont acquis la sympathie, voire la vénération de gens de la région. Certains ont même été jusqu'à postuler une origine européenne aux populations locales : on en veut comme preuve les yeux bleus, les cheveux blonds et l'allure frêle des Banû Haoua ! On se demande comment en un siècle, à l'arrivée des Français les Banû Haoua aient pu changer ainsi, au point d'adopter les mœurs locales et la langue berbère !