Résumé de la 6e partie Selon les récits, sept religieuses, naufragées du «Banel», auraient accosté la baie de Souhalia? L?histoire des naufragées du «Banel» devient donc légende. Elle va même se mêler à des légendes plus anciennes, si l?on en croit un récit rapporté, dans les années 1950, par un auteur français : «Les Bani Haoua racontent que leur ancêtre, Lalla Hawa (Madame Eve) est arrivée par la mer, à bord d?un radeau, en compagnie de trois hommes et de trois filles qui seraient ses filles. La femme est aussi appelée Yemma Banet (la mère des filles) et la tribu des Bani Haoua (littéralement ??les fils d?Eve??) serait issue de cette femme !» Il n? y a pas de doute qu?on mélange ici, un vieux mythe des origines (mythe matriarcal) à un événement qui s?est déroulé dans la région il y a, à l?époque, un siècle et demi. Rappelons que ce genre de distorsions est fréquent dans les sociétés de tradition orale où le souvenir des événements historiques est confié à la seule mémoire? Le naufrage du «Banel» a été exploité par la littérature coloniale qui a utilisé la légende des religieuses hollandaises pour faire l?apologie de la colonisation : ces chrétiennes ont répandu autour d?elles les bienfaits de la civilisation occidentale, elles ont adouci les m?urs de populations «barbares» au point d?être élevées au rang de saintes et d?être honorées. Elles symbolisent aussi cette «fusion» des races et des religions voulue par certains. D?autres, en dépit du fait que le naufrage du «Banel» soit relativement récent, n?ont pas hésité à donner aux populations locales une origine «européenne». Hypothèse que des Algériens semblent admettre comme une possibilité. C?est ainsi qu?on lit dans un article publié en 1990 dans le quotidien Horizons : «Les Bani Haoua (?) vivent presque en autarcie, en cultivant de maigres lopins de terre. Des yeux bleus, des cheveux d?un blond doré et l?allure frêle des habitants de Béni Haoua a longtemps fait dire à ceux qui s?intéressaient de près à leur histoire que les naufragés du ??Banel?? étaient des Hollandais et non des Français?» Mais revenons à l?histoire. Le naufrage du «Banel» et les sévices que les rescapés auraient subis de la part des montagnards de la région ont valu au dey d?Oran de sévères remontrances du chargé français. Bonaparte lui-même lui fait savoir qu?il n?hésitera pas, si les naufragés qui sont retenus ne sont pas libérés, à procéder «à la destruction d?Alger» ! Dans la lettre qu?il lui envoie le 28 juillet, il lui réclame «les 150 hommes qui sont entre les mains des Barbares». Le dey Mustapha lui répond, avec humilité, que «Dieu a disposé de leur sort». Il n?y a pas de doute qu?il était sincère et qu?il a fait réellement de gros efforts pour retrouver les naufragés. Il en a recueilli plus d?une centaine, qu?il a fait escorter jusqu?à Oran et de là, envoyé en France. Quant aux 150 hommes réclamés par Bonaparte, soit ils ont trouvé la mort, soit ils se sont fondus dans la population locale? Après l?épisode du «Banel», les relations vont se détériorer entre la France et la Régence d?Alger. Il n?est pas exclu que Bonaparte, qui venait de subir un échec en Egypte, ait envisagé d?occuper Alger. En tout cas, la nouvelle lettre qu?il envoie au dey, en septembre 1803, est encore plus menaçante que celle de juillet 1802 : «Si vous refusez de me donner satisfaction, je débarquerai 80 000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre Régence.» Mais Bonaparte ne sera pas là quand, le 5 juillet 1830, les troupes françaises débarqueront à Sidi Ferruch, mettant sa menace à exécution?