InfoSoir : D'aucuns estiment que le secteur des assurances dans notre pays accuse un retard certain par rapport à ce qui se fait chez nos voisins tunisiens et marocains ? A. Messaoudi : Ce qu'on peut dire, c'est qu'en Algérie, la population est fortement influencée par la tendance de l'Etat à intervenir en couverture des risques sociaux. on le constate déjà par rapport à nos voisins à travers le système de protection sociale. les Tunisiens et les Marocains ont des systèmes de sécurité sociale qui sont tout récents, alors que l'Etat algérien a très vite élargi les systèmes de protection sociale au lendemain de l'Indépendance. Les individus n'ont, donc, pas été confrontés aux risques et à la recherche de solutions. Des secteurs importants de l'économie formelle et des salariés se sont retrouvés couverts sans se poser la question du risque et de la nécessité du geste à entreprendre individuellement et volontairement pour s'assurer. Les Marocains et les Tunisiens n'ont pas de dispositifs de couverture de ce genre, cette situation et d'autres encore ont conduit les individus à chercher des solutions de couverture, donc à exprimer un besoin et une demande. chez nous, ce besoin ne s'est pas exprimé et ne s'exprime pas encore. On dit aussi que les Algériens ne sont pas «très assurances»… Moi, je ne suis pas d'accord pour dire que les Algériens sont comme ceci ou comme cela. Ils sont comme toutes les populations de tous les pays du monde. Il ne me semble pas qu'il y ait une distinction particulière à faire concernant les Algériens. Ce n'est pas la population qui imagine et conçoit les produits d'assurance, mais les acteurs du marché, car ce sont eux qui ont quelque chose à gagner. N'est-il pas nécessaire d'obliger les gens à s'assurer afin de booster le secteur ? La population est obligée de s'assurer en responsabilité civile. Toutes les activités économique, artisanale et libérale sont tenues de s'assurer pour les risques liés à leur responsabilité civile, mais quand vous regardez dans les faits, le niveau de pénétration de l'assurance, corporation par corporation, vous vous rendez compte que c'est totalement insignifiant. Je considère qu'il ne suffit pas d'instaurer une obligation, ni même des dispositifs de contrôle. Il faut qu'il y ait un service réel qui soit offert, palpable et reconnaissable. Prenez l'exemple de l'assurance automobile. Ce qui est obligatoire, c'est la responsabilité civile, mais les gens ne s'assurent pas que pour la responsabilité civile, aujourd'hui, ils prennent souvent des garanties facultatives et parfois des assurances tous risques. Pourquoi à votre avis ? Parce que beaucoup sont convaincus de l'utilité du service et ce, malgré toutes les critiques qu'ils en font. Les assureurs n'ont pas fait de campagnes de communication pour cela, l'utilité même du service a suffi. L'on parle, depuis quelques années déjà, du décollage imminent du secteur des assurances dans notre pays, mais cela tarde encore à se concrétiser… Le décollage, on le voit dans la progression du chiffre d'affaires. Il y a un développement qui est relativement important puisqu'on se situe dans des taux de croissance en valeur de 15% au plus bas. Depuis quelque temps, à la faveur du programme de relance économique, l'assurance Iard progresse sensiblement avec des taux de 20 à 25%. Pour le grand public, du point de vue de la qualité de service, le souhait est qu'il y ait un décollage similaire à celui qu'on observe dans la téléphonie mobile où la concurrence a induit de l'innovation dans les produits et dans les tarifs. Il reste que cela ne dépend pas d'une décision centrale mais des acteurs du marché. *Secrétaire permanent du Conseil national des assurances (CNA)